Seul sur Mars ? Une fiction, évidemment. Mais qui n’est parfois pas si loin de la réalité… Pour démêler le vraisemblable du pur rêve, nous avons interrogé Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au CNES et fin connaisseur de la Planète Rouge.
La tempête martienne ? Exagérée
Au début du film, Mark Watney (Matt Damon) est pris dans une gigantesque tempête de sable. Les tempètes sont en effet fréquentes à la surface de Mars. Outre des tornades localisées, certaines tempêtes peuvent recouvrir la planète entière d’un voile de poussières, comme, par exemple, en 2001. Cependant, « la pression est si basse sur Mars que si une telle tempête survenait, l’homme s’en apercevrait à peine » et seules de microscopiques poussières seraient entraînées. « Mais il fallait bien créer un drame, donc ils ont exagéré. »
De plus, dans cette atmosphère martienne si ténue, réparer un module endommagé nécessite plus que du ruban adhésif et du plastique : « quand on sait qu’il y a 6 millibars de pression dehors, contre 1000 dans le module, normalement le film plastique utilisé par Mark doit se déchirer. »
La couleur du ciel martien ? Vraissemblable… ou presque !
De quelle couleur est le ciel martien ? Orange ? Presque... Vu par nos envoyés spatiaux, par exemple Curiosity, « le ciel a une couleur saumonée », la lumière du Soleil étant diffusée par les poussières martiennes.
Par contre, « curieusement, le coucher de Soleil est plutôt bleu. Par manque d’atmosphère, il y a moins de réfraction, qui crée le rougissement sur Terre. »
Sur Mars, le coucher de Soleil est plutôt bleu
Mars Pathfinder ? Pas si facile
Mars Pathfinder s’est bien posé sur Mars en 1997, au milieu d’une vaste plaine rocailleuse, loin des montagnes qui font la beauté du film. Encore visible depuis l’espace, il n’est pas prêt d’être enseveli par une dune.
Watney pourrait-il utiliser ses circuits pour communiquer avec la Terre ? Pourquoi pas. L’atterrisseur est bien équipé d’une parabole qui lui permet de communiquer directement vers la Terre. D’ailleurs, « l’utilisation de Pathfinder, pour communiquer avec les positions de la caméra, est intéressante. Et, pour envoyer des messages dans cette situation, passer en hexadécimal est plus pratique que l’alphabet à 26 lettres. » Il faut juste être patient : Pathfinder communiquait à une vitesse maximale de 6 ko/s. Mais, surtout, « le problème est que Pathfinder est tombé en panne. Pour le réparer, ce n’est pas exactement comme ça que sa se passe, il n’y a pas un bouton on-off à actionner. »
Des patates sur Mars ? possible, avec des précautions
Le sol martien est peu propice à l’agriculture. « On sait depuis les missions Viking que le sol est extrêmement oxydant, c’est pourquoi on dit que le sol est stérile en surface. » Pour faire pousser des légumes sur Mars, la NASA imagine donc plutôt des cultures hors sol où les plantes seraient directement alimentées en eau et nutriments. Mark Watney est cependant en situation de détresse… Il peut tenter la culture et avoir la chance de réussir si son mélange neutralise la majeure partie des oxydants présents dans le sol martien.
Le sol martien est stérile
Quant à produire de l’eau en faisant brûler l’hydrogène extrait de l’hydrazine, un carburant pour fusée, c’est tout à fait imaginable. « Le problème, c’est que la flamme consomme de l’oxygène, absente sur Mars. Mais j’imagine que Watney a un système de recyclage du CO2 pour en produire. »
Le Rendez-vous en orbite ? Assez bien vu
Question mécanique céleste, heureusement, « nous sommes loin de Mission to Mars ! »
Lorsque l’équipe survole la Terre avant de repartir vers Mars, « c’est un scénario à la Apollo 13 », tout à fait vraisemblable sur le plan balistique.
De même, « le rendez-vous entre le vaisseau et le MAV qui transporte Mark Watney est assez bien vu. Un peu triché, mais ils insistent sur la difficulté de l’opération ».
L'avis de Thomas Pesquet
Que pense un astronaute de Seul sur Mars ? Thomas Pesquet, astronaute français de l'ESA à l'entraînement aux États-Unis, à Houston, a vu The Martian (titre original du film de Ridley Scott) lors de sa sortie et nous livre ses impressions.