15 Mars 2022

[QUÉZAKO ?] Un déployeur de nanosatellite face à la « vallée de la mort »

Surnommée « vallée de la mort », la phase la plus risquée du développement d’une nouvelle technologie est redoutée par les industriels. Financé par le PIA et opéré par le CNES, un dispositif financier - au doux nom de « POC PIA » - les y accompagne. Le tout 1er déployeur de nanosatellite français en bénéficie depuis 2020, tout comme 7 autres projets.

Déployeur de nanosatellite EOS mis au point par le CNES et la société MECANO ID. Crédits : MECANO ID.

Maturation accélérée

Détrompez-vous, ce n’est pas un ventilateur que vous avez sous les yeux, mais un déployeur de nanosatellite. À l’interface entre le nanosatellite – pesant entre 15 et 60 kg – et le lanceur, le déployeur a un rôle bien précis : larguer le nanosatellite dans l’espace au bon moment, tout en minimisant les chocs et sans induire de rotation. Un exploit qu’une entreprise française – MECANO ID – tente pour la première fois de relever grâce à son déployeur nommé EOS, performant et peu couteux.

L’histoire relève un peu du conte de fées : en 2020, après 2 ans de R&T dans le cadre de l’Appels à idées de R&T des systèmes orbitaux du CNES, seul un prototype du déployeur est validé en laboratoire (niveau TRL 4, voir encadré). L’entreprise se trouve alors face à la fameuse « vallée de la mort ». Non, elle ne s’apprêtait pas à larguer son déployeur du haut d’une falaise californienne : dans le jargon du spatial, ce surnom désigne les étapes avancées et risquées de maturation d’une nouvelle technologie. On est ici bien loin du cadre sécurisé du laboratoire, l’objectif est de démontrer les performances d’un démonstrateur dans un environnement représentatif … jusqu’à un vol réel. Des étapes très couteuses et risquées que les fabricants de technologies innovantes ont du mal à assumer seuls.

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CNESMAG 91 - Innovation : catalyser l'expertise française

Dans ce numéro, démonstration est faite des remises en question dont le CNES a su faire preuve et du foisonnement de solutions concrètes qu’il apporte pour favoriser l’éclosion de start-up et faciliter l’émergence du New Space français, irriguant ainsi l’ensemble de l’écosystème spatial.

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Mais une bonne fée s’est penchée sur le déployeur de MECANO ID. D’ici fin 2022, il s’apprête à démontrer ses performances en vol, l’ultime étape avant sa commercialisation, grâce au dispositif POC PIA. « Le projet n’aurait pas pu poursuivre aussi vite sa maturation sans ce dispositif », lance enthousiaste Guy Carayon, chargé des relations avec le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI). POC ? comprenez Proof of Concept. Le dispositif vise à faciliter et accélérer la mise sur le marché de nouvelles solutions technologiques tout en valorisant les résultats de recherche amont. Comment ? En soutenant financièrement les projets techniquement matures, depuis le niveau TRL 5 jusqu’au 9.

Guy Carayon, chargé des relations avec le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) au CNES. Crédits : CNES/L. Lecarpentier.

Besoin de nouveaux équipements

Financé dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir (PIA) piloté par le Secrétariat général pour l’investissement, en complément de véhicules budgétaires existants, le POC PIA est opéré par le CNES. Start-up, ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire), PME ou laboratoires scientifiques peuvent particulièrement en bénéficier pour tout type de technologies développées dans le secteur du spatial. « Quelques conditions sont exigées : sur la base d’un business plan crédible, la cible-marché doit être clairement identifiée et le risque technique connu », précise Guy Carayon. Des conditions parfaitement remplies par le déployeur EOS.

Le dispositif rassure les clients du spatial, il permet aux fabricants de nouvelles solutions de réaliser leurs premières ventes

Guy Carayon, chargé des relations avec le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) au CNES.

Dans un marché en mutation très rapide, cet outil accompagne de manière sécurisante les produits innovants. « Il existe un besoin de nouveaux équipements, mais les clients du spatial sont prudents face aux nouvelles technologies qui n’ont pas été qualifiées en vol (niveau TRL 9), détaille Guy Carayon. Les fabricants ne vont pourtant que très rarement jusqu’à cette étape. »  Essentiel pour la compétitivité, la non-dépendance et l'innovation du secteur spatial français et européen, POC PIA favorise la structuration de l’écosystème.

Lancé en 2020, le dispositif a permis d’accompagner 7 entreprises la même année. Et l’aventure promet de se poursuivre : de nouveaux dossiers sont en cours d’instruction. « En cas de réussite commerciale, l’industriel contribuera au remboursement de l’aide à travers des redevances, précise Guy Carayon. Elles permettront d’abonder le fonds et de le rendre pérenne. » S’il parvient à prendre son envol au-dessus de la « vallée de la mort », le déployeur EOS pourrait bien être de la partie.

Déployeur de nanosatellite EOS en tests thermiques. Crédits : MECANO ID.

L'échelle technology readiness level (TRL)

L’échelle TRL représente la croissance d’une technologie, jusqu’à atteindre l’âge adulte. Elle comporte 9 niveaux, depuis les principes de base de la technologie (TRL 1) jusqu’au système réel achevé et qualifié par des missions opérationnelles réussies (TRL 9). Les stades les plus risqués, couverts par le dispositif POC PIA et surnommés « vallée de la mort », se situent des niveaux 5 à 9. 

Un travail d'équipe

La mise en œuvre du dispositif POC PIA est le résultat d’un véritable travail d’équipe au sein du CNES. Les services techniques de la DTN et les structures opérationnelles DOA et DTS instruisent les propositions industrielles et contribuent au montage des dossiers avec le support de DS/PF/TD et DS/DAP/SMP. Ils contractualisent et assurent le suivi des projets décidés. DS/DAP/SMP assure le dialogue avec les ministères de tutelles et le SGPI.  Il est membre du comité de pilotage des POC PIA.

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