28 Juillet 2022

[Quézako?] Rivières, lacs, océans… Tous surveillés par SWOT !

Le satellite SWOT est désormais prêt et son lancement prévu en décembre. Il va permettre de mesurer pour la 1ere fois les variations saisonnières du niveau d'eau des rivières et des lacs de l’ensemble du globe, ainsi que scruter en détail les courants océaniques.

Équipé d'un mât de 10 m de long au bout duquel 2 réflecteurs radars sont fixés, le satellite SWOT scrutera les eaux de surface du globe dès décembre 2022. Crédits : CNES/DE PRADA Thierry, 2021.

Tout 1er satellite pour l'hydrologie

Nul besoin d’être spécialiste pour savoir précisément quel satellite représente ce Lego ! Vous n’avez rien remarqué ? Jetez à nouveau un œil à la maquette… De SWOT, comme l’inscription blanche l’indique. SWOT, pour Surface Water and Ocean Topography, s’apprête à s’élancer vers son orbite à près de 900 km de la Terre en décembre 2022. Son objectif ? Scruter les eaux de surface de notre planète bleue. 

« SWOT est la 1ere mission spatiale dédiée à l’hydrologie, explique Thierry Lafon, chef de projet SWOT au CNES. Océans, lacs, rivières ou encore réservoirs : le satellite permettra de suivre l’évolution des stocks d’eau, le débit ou encore les courants océaniques. » En survolant chaque même point du globe tous les 10 jours, le satellite enregistrera les niveaux d’eau au fil des saisons. L’un des points forts de la mission : couvrir la totalité du globe. Le satellite réalisera en effet chaque mesure sur une large bande de 120 km de long. Les précédentes missions spatiales altimétriques permettaient de ne réaliser qu’un seul point de mesure sous le satellite, obligeant les scientifiques à interpoler entre chaque point.

Il faut imaginer que les missions altimétriques existantes sont une raquette de tennis, avec de nombreux trous … SWOT est, elle, une raquette de paddle : chaque point du globe sera mesuré !

Thierry Lafon, chef de projet SWOT au CNES.

Nous devons cette mission inédite à l’instrument KaRIn. En pratique, le satellite est équipé d’un mât de 10 mètres de long (les fines pièces bleues et rouges sur le lego) au bout duquel sont fixés deux réflecteurs radar (les pièces bleues perpendiculaires). « Le principe de la mesure est simple : un des 2 réflecteurs émet un signal radar vers l’eau sur Terre, et les 2 antennes le reçoivent, détaille Thierry Lafon. Cela permet de mesurer la hauteur d’eau au cm près. » Ce radar très puissant (1500 W) doit être refroidi : c’est le rôle du radiateur, symbolisé par le gros carré blanc au centre de la maquette en Lego. Le satellite embarque enfin une ribambelle d’instruments classiques pour ce type de mission : radar altimétrique nadir, DORIS, radiomètre, etc…

Le coeur radar - baptisé Radio Frequency Unit - de l'instrument KaRIn a été développé sous la responsabilité du CNES. Crédits : CNES/BARRANCO Laurent, 2019.

En tant que maitre d’œuvre, nous sommes fortement impliqués dans cette mission franco-américaine. Pas moins d’une centaine de personnes travaillent sur le projet au sein du CNES ! « Nous avons également la responsabilité des opérations du satellite : chaque jour, 8 térabits de données seront communiqués au sol, complète Thierry Lafon. Nous nous chargerons de les traiter et les mettre à disposition des utilisateurs. »

Placé sur une orbite à 891 km d'altitude, la mission SWOT est le fruit d'un partenariat entre le CNES, la NASA, le CSA et l'UKSA. Crédits : CNES/ill. DUCROS David, 2022.

Une résolution d'une dizaine de mètres sur toute la planète

La mission SWOT représente une véritable révolution pour les hydrologues. « SWOT est la 1ere mission spatiale dédiée aux hydrologues, elle est très attendue », confie Thierry Lafon. Jusqu’à présent, les niveaux d’eau des lacs ou rivières sont mesurés par des stations au sol… Les mesures sont donc (et c’est peu dire) occasionnelles ! SWOT offrira une mesure de la hauteur d’eau de millions de lacs et de toutes les rivières du globe d’au moins 100 m de large, avec une résolution d’une dizaine de mètres. L’évolution des stocks d’eau, du lit des rivières, de leur débit ou encore du niveau des mers le long des côtes pourront être mesurés : des données cruciales tant l’eau a une valeur économique et sociétale importante. 

Les courants océaniques de petite échelle comme les tourbillons (ici simulés numériquement par Ocean Next) pourront être détectés grâce à la résolution offerte par la mission SWOT. Crédits : IGE/OCEAN NEXT, 2020.

Les océanographes vont pouvoir eux aussi tirer parti de SWOT. Les mesures spatiales actuelles ont une résolution de 150 km… SWOT les réduira à 15 km ! « Grâce à cette résolution, certains phénomènes au sein des courants océaniques pourront enfin être observés, comme les tourbillons ou les filaments », énumère Thierry Lafon. Dans le contexte du changement climatique, l'intérêt est de taille : de nombreux échanges (thermiques, chimiques) ont lieu entre l’atmosphère et l’océan. SWOT ouvrira donc la voie à une meilleure compréhension de la circulation océanique.

Après avoir passé avec succès tous les essais d’environnement, le satellite est désormais dans les starting-blocks avant son lancement fin 2022. Nos équipes du CNES de Toulouse ont d'ailleurs commencé à s'entraîner pour toutes les opérations de gestion de SWOT dans les 8 jours qui suivront le lancement. Il y aura en tout 3 répétitions générales. Les 6 premiers mois de SWOT dans l’espace seront consacrés à calibrer l’ensemble des instruments, avant qu’il n’entame la production opérationnelle de données. Un avenir prometteur pour SWOT ! 

Thierry Lafon, chef de projet SWOT au CNES. Crédits : CNES/MALIGNE Frédéric, 2022.

Salle de contrôle SCP4 du satellite SWOT au CNES de Toulouse. Crédits : CNES/Frédéric Lancelot, 2022.