Grâce à un réseau de 6 antennes au sol, le système Marta reçoit les signaux envoyés par la fusée lors des 2 premières minutes suivant le tir. Crédits : 2021 ESA-CNES-ARIANESPACE/Optique vidéo du CSG – JM Guillon.
Des récepteurs radiologiciels novateurs
Sous leur apparence frêle, ces 2 tubes blancs – des antennes – ont un rôle crucial : contrôler la trajectoire des lanceurs à chaque tir. En cours de test, le système de localisation Marta est un outil novateur de suivi des fusées. « Les stations au sol sont équipées de récepteurs radiologiciels : ces équipements électroniques novateurs numérisent les signaux envoyés par la fusée vers le sol », détaille Quentin Lacoste, responsable technique du projet au sein de la direction des lanceurs, au CNES. Grâce à Marta, les fusées sont précisément localisées jusqu’à 150 km, soit lors des 2 premières minutes suivant le lancement. L’intérêt ? À chaque tir, la mission de sauvegarde et d’intervention (MSI) s’assure de la bonne trajectoire du lanceur. Elle a pour but de protéger les populations, les biens et l’environnement : en cas de déviation, le lanceur est neutralisé sur ordre de l’équipe de sauvegarde, il est détruit en plein vol.
Pour mener à bien cette mission à l’aide du système Marta, 6 stations identiques à celles de notre image mystère ont été déployées en Guyane. Perchées sur un pylône de 2 m, on trouve 2 antennes de télémesure (les tubes blancs) fournies par Ingespace, une PME toulousaine, 2 antennes GPS (les petits cônes blancs) et 2 caisses en aluminium contenant le récepteur de télémesure. « 80 autres stations de ce type existent dans le monde : nous les avons choisies en raison de leur coût et de leur conception très simple, qui permet d’éviter toute panne mécanique », relate Quentin Lacoste.
Au sein de la direction des lanceurs, nous avons développé le cœur de Marta.
Il faut imaginer Marta comme un système GPS, mais inversé !
Cleberson Miranda, responsable systèmes mesures au CNES.
« Un GPS reçoit les signaux de satellites dont la position est connue : ici, c’est la position des stations au sol qui est précisément connue », compare Cleberson Miranda. Tout comme les GPS, la localisation repose sur le principe de la triangulation : la fusée émet un signal vers le sol capté par chacune des antennes de télémesure Marta. En calculant les différences de temps d’arrivée entre (au minimum) 3 stations, la position de la fusée est déterminée à 10 m près.
Mais rappelez-vous, chaque pylône est aussi équipé de 2 récepteurs GPS. « En fait, nous les détournons de leur utilisation classique, décrit Quentin Lacoste. La triangulation nécessite de synchroniser parfaitement les stations Marta entre elles : nous utilisons donc le temps fourni par ces capteurs GPS, eux aussi parfaitement synchronisés. Sans ça, nous aurions dû équiper les stations d’horloges atomiques très couteuses. » Une astuce clé pour contenir le prix des stations Marta.
Avec un GPS, un récepteur capte le signal d’au moins 4 satellites dont la distance au récepteur est connue. Chacun de ces satellites se situe sur une sphère autour du récepteur : l’intersection des 4 sphères correspond à la position du récepteur, c’est le principe de la triangulation. Ici, la position des antennes Marta est connue et la fusée émet un signal. Crédits : OpenClipart, freesvg.org
Quentin Lacoste, responsable technique du projet Marta au sein de la direction des lanceurs CNES. Crédits : CNES/GRIMAULT Emmanuel, 2020.
Aucun équipement nécessaire à bord des fusées
Si vous êtes assidu à la rubrique Quézako?, vous avez pu faire connaissance ces dernières semaines avec d’autres équipements : Bretagne 1, Amazonie 1, Kassav … Un véritable arsenal est déployé au Centre spatial guyanais (CSG) pour suivre la trajectoire des lanceurs à chaque tir. « Il est obligatoire de disposer d’au moins 2 moyens de localisation totalement indépendants pour garantir la disponibilité et la fiabilité du suivi », précise Cleberson Miranda. L’intérêt de Marta ?
Contrairement aux radars comme Bretagne 1 & 2, les stations Marta sont low-cost et ne nécessitent que peu de maintenance.
Quentin Lacoste, responsable technique du projet au sein de la direction des lanceurs, au CNES.
Quant au système de localisation Kassav, il impose d’embarquer un nouvel instrument à bord de la fusée. Ici, nul besoin d’ajouter des équipements à bord : les signaux utilisés par Marta sont issus d’émetteurs télémesure déjà embarqués dans chaque lanceur.
Installé depuis 2021 au CSG, le système Marta a fait ses 1ers enregistrements en conditions réelles à l’occasion du vol Vega 18. « Le système est toujours en phase de démonstration : nous récupérons des données à chaque tir pour peaufiner l’algorithme de localisation », confie Quentin Lacoste. Marta intégrera le système de suivi opérationnel de la MSI ces prochaines années. L’objectif ? Développer la palette d’outils de localisation disponibles, pour répondre au marché croissant des microlanceurs. Mais surtout l’utiliser dès l’avènement des lanceurs réutilisables comme Callisto. Si Marta a une portée moindre que les radars, le système présente un atout indéniable. « Avec les lanceurs réutilisables, il faudra suivre simultanément 2 étages : celui s’éloignant et le 1er étage revenant vers la base, conclut Quentin Lacoste. Marta aura les épaules pour cette mission. »
Au retour du 1er étage des fusées réutilisables comme Callisto et Themis, Marta sera un instrument adapté pour assurer la mission de sauvegarde. Crédits : CNES/Orbital Dreams, 2023.
Chaque station comporte 2 antennes de télémesure : l’une pointe vers le pas de tir, et l’autre vers le Nord ou l’Est pour suivre la fin de la trajectoire du lanceur. Crédits : CNES/Quentin Lacoste.
Lors du tir Vega 18 dans la nuit du 28 au 29/04/2021, Marta a été utilisé pour la 1ere fois en conditions réelles au CSG. Crédits : CNES/ESA/ARIANESPACE/Photo Optique Video CSG/GUILLON Jean-Michel.