Le RFU est l’un des sous-ensembles, la partie électronique, de l’altimètre KaRIn, développé par le CNES. Il est situé à l'intérieur du « corps » du satellite SWOT. Crédits : CNES/TAS.
Les compétences reconnues du CNES en bande ka
C'est une véritable révolution ! Nos équipes travaillent actuellement pour réaliser les réglages en orbite du satellite SWOT qui a rejoint l'espace le 16/12/2022. L'interféromètre de nouvelle génération KaRIn devrait être mis en route dans les jours qui viennent : c’est grâce à lui que SWOT va pouvoir fournir des mesures de hauteur d’eau sur les océans et les surfaces continentales avec une couverture géographique inégalée… Revenons sur l’histoire de cette belle collaboration internationale.
L'instrument KaRIn du satellite SWOT est composé en partie du RFU situé à l'intérieur du « corps » du satellite, et de 2 grands bras en forme de T de part et d'autre du satellite. Ils vont littéralement scanner la surface des eaux du globe terrestre pour en mesurer la hauteur avec une précision centimétrique. Crédits : NASA/JPL-Caltech.
L’instrument KaRIn a été imaginé par le Jet Propulsion Laboratory (JPL) aux États-Unis. Très vite, une collaboration se met en place avec la France. Il faut dire que le couple franco-américain a déjà illustré sa performance en altimétrie spatiale avec la toute 1ere mission du genre, TOPEX/Poseidon, suivie par la série des JASON ! KaRIn se compose de plusieurs parties, des sous-ensembles, lui permettant d’émettre des pulses radar vers la Terre, puis de recevoir leurs échos en retour. Le sous-système que vous pouvez admirer en photo est son unité radiofréquence, aussi appelée RFU (pour Radio Frequency Unit). C'est la contribution française à l’instrument KaRIn.
Une cinquantaine de personnes ont été mobilisées au sein du CNES pour développer le RFU. Il est le fruit d’une collaboration entre le CNES, la UK Space Agency, TAS et Honeywell. Crédits : CNES/BARRANCO Laurent, 2019.
En pratique, le RFU sert à produire et gérer les signaux radioélectriques émis et reçus par les antennes de l’instrument (les 2 grands bras en forme de T). Si le JPL nous a fait confiance pour la réalisation du RFU, c’est grâce à notre expérience acquise avec la mission SARAL/AltiKa. Fruit d’une coopération entre le CNES et l’Agence spatiale indienne (ISRO), cet autre satellite altimétrique – en service depuis février 2013 – embarque le tout 1er altimètre utilisant la bande Ka : l’instrument émet des pulses radar centrés sur la fréquence 35,75 GHz, contre 13,6 GHz (bande Ku) pour les altimètres spatiaux précédents. « Pour SARAL/AltiKa, nous avons développé un altimètre novateur en collaboration avec TAS, se souvient Pierre Sengenes, chef de projet SARAL/Altika et aujourd’hui adjoint au chef de projet SWOT, au CNES, Thierry Lafon. Cela a permis aux équipes d’acquérir toutes les compétences nécessaires aux techniques radar et altimétrique en bande Ka. »
Fonctionnement de l'instrument KaRIn du satellite SWOT (animation), ici la collecte des données de hauteur d'eau sur l'État de la Floride aux États-Unis. Crédits : NASA/JPL.
Pierre Sengenes, adjoint au chef de projet SWOT, au CNES. Crédits : CNES/T. De Prada..
Le satellite SWOT a été mis en orbite le 16/12/2022 grâce à une fusée Falcon 9 depuis la base américaine de Vandenberg, en Californie. Crédits : NASA.
La salle de contrôle principale (SCP) du satellite SWOT se situe au CNES de Toulouse. Crédits : CNES/F. Lancelot.
De nombreux sous-ensembles innovants
Or l’altimètre KaRIn utilise cette même bande Ka. « KaRIn est un radar altimétrique radicalement différent des instruments embarqués jusqu’à présent sur des satellites, explique Pierre Sengenes. Il repose sur des techniques interférométriques offrant des performances inégalées en termes de couverture, de précision de mesure et de résolution. » Les sous-systèmes composant l’instrument comportent de nombreuses innovations. Développé spécifiquement pour KaRIn, le RFU ne déroge pas à la règle. Il est composé de 2 équipements : le Duplexer et l’Hyperbox. Grâce à un financement de l’Agence spatiale du Royaume-Uni, la société Honeywell (ex Comdev) a développé le Duplexer. L’Hyperbox et la maîtrise d’œuvre d’ensemble du RFU ont été réalisés par TAS. Cette collaboration européenne nous a permis de fournir un modèle d’ingénierie au JPL dès 2018, et le modèle de vol en septembre 2019. 7 ans auront été nécessaires pour mettre au point ce sous-système totalement innovant !
KaRIn n’aurait pas vu le jour sans la collaboration de nombreuses personnes à travers le monde. Beaucoup de challenges se sont présentés. Par exemple, la société canadienne CPI fournit les amplificateurs radiofréquence innovants à haute puissance de KaRIn. Autre défi relevé par le JPL : la réalisation des 2 bras situés de part et d’autre du satellite portant les réflecteurs des antennes KaRIn. Ces bras sont repliés pour le lancement de SWOT. Une fois en orbite, ils devront se déplier et retrouver la position prévue… Au micron près !
Cette collaboration entre le CNES et le JPL renouvèle et renforce la confiance entre les équipes.
Pierre Sengenes, chef de projet-adjoint du satellite SWOT au CNES.
Il poursuit : « Cela nous a permis faire fructifier nos compétences et d’améliorer nos savoir-faire, non seulement au CNES mais aussi dans l’industrie spatiale française et européenne, c’est une très belle expérience. »
Si SWOT s’apprête désormais à scanner les eaux de surface du globe, cela ne marque pas l’arrêt de l’innovation pour l’altimétrie spatiale. Désormais, l’Agence spatiale européenne envisage le développement d’un nouvel altimètre reposant sur une technique de mesure identique à KaRIn pour la future mission Sentinel-3 NG.