2 bras cryotechniques assurent le remplissage du réservoir de l'étage supérieur jusqu'à 6s avant le décollage d'Ariane 5. Crédits : ESA/CNES/Arianespace - Optique vidéo du CSG.
Un remplissage optimal du réservoir
Jusqu’aux toutes dernières secondes avant le décollage, ces 2 bras restent fixés à Ariane 5. Leur but ? Remplir au maximum l’un des réservoirs de la fusée ! Les ergols liquides – le carburant – y sont acheminés à travers les tuyaux flexibles portés par les bras. D’une longueur de 9,3 m et pesant 9 tonnes chacun, ces 2 bras appelés ‘cryotechniques’ sont l’un des équipements les plus complexes de la zone de lancement d’Ariane 5.
Dans son étage supérieur, la fusée Ariane 5 emporte de l’oxygène et de l’hydrogène : ces carburants alimentent le dernier moteur entrant en action, celui qui place le satellite en orbite. À l’état gazeux, ces composés sont très volumineux : ils sont embarqués sous forme liquide pour diminuer la taille des réservoirs. Mais pour que les ergols restent liquides, ils doivent être maintenus en permanence à une température très froide : -253°C pour l’hydrogène, et entre -193°C et -183°C pour l’oxygène… Un véritable défi ! Dès qu’ils se réchauffent, les ergols repassent à l’état gazeux et sont donc perdus.
6 sec avant le décollage d'Ariane 5, les bras disposent de 3,2 sec pour se replier sur eux-mêmes. La vidéo est 8 fois plus lente que la vitesse réelle. Crédits : ESA/CNES/Arianespace - Optique vidéo du CSG.
Le rôle des bras cryotechniques ? Compenser ces pertes. Ils supportent 2 types de tuyaux flexibles entre le réservoir et le mât de la table de lancement : des tuyaux de dégazage et de remplissage. Les tuyaux de dégazage collectent les ergols gazeux et les envoient autour du pas de tir ou vers une piscine pour être brulés. Vous avez surement déjà vu l’oxygène sous sa forme gazeuse : ce sont les panaches blancs que l’on peut voir au décollage de la fusée ! Les tuyaux de remplissage alimentent en continu le réservoir de l’étage supérieur d’Ariane 5 jusqu’à son décollage.
Les bras cryotechniques font face à un double défi : supporter les tuyaux et se dégager au plus vite de la fusée au moment du décollage.
Thierry Figeac, expert interfaces bord/sol au CNES.
En pratique, lorsque la fusée arrive sur le pas de tir, elle est équipée de « plaques à clapet », sorte de raccord entre le réservoir et les tuyaux. Les bras cryotechniques sont connectés à ces plaques lors de la phase de préparation du lanceur dans le bâtiment d’intégration lanceur. 6 sec avant le décollage, l’ordre de décrochage des plaques est donné. Les bras rétractent les plaques de la fusée, puis se replient en les emportant avec eux. En moins de 3,2 sec, ils doivent se situer à plus de 4,8 m de la coque de la fusée pour ne pas gêner son décollage !
REPLI GRÂCE À LA CHUTE DE CONTREPOIDS
Les bras cryotechniques supportent les tuyaux flexibles entre le mât de la table de lancement et les plaques à clapet sur la fusée. Crédits : ESA/CNES/Arianespace - Optique vidéo du CSG.
Ariane 4 était déjà équipée de bras cryotechniques, mais ceux d’Ariane 5 ont subi des améliorations. « La déconnexion des plaques à clapet est réalisée de façon pneumatique, grâce à des vérins, tout comme sur Ariane 4, explique Thierry Figeac. Mais le système de retrait de la zone de tir est innovant. » Des contrepoids de 3,2 tonnes ont été installés dans des sacoches de part et d’autre du mât supportant les bras : lorsque le contrepoids tombe, le bras se replie. Imaginez le mouvement : vos deux bras tendus à l’horizontale, vous les repliez brusquement tel un pantin jusqu’à vos épaules. « Ces bras articulés comportent un coude et une épaule, cela rend leur position de repli plus compacte », détaille Thierry Figeac. Cet encombrement réduit a notamment permis aux équipes de réaliser des essais à l’intérieur des bâtiments.
En tant que maitre d’œuvre, nous avons mené ce projet à bien grâce à 2 partenaires industriels : Latécoère et Doris Engineering. Conçus dès 1999, les bras cryotechniques sont entrés en service en 2002 lors du 17e vol d’Ariane 5.
Jusqu’à ce jour, aucune défaillance n’est à signaler, ils ont toujours rempli leur fonction.
Thierry Figeac, expert interfaces bord/sol au CNES.
Ils s’apprêtent à tirer leur révérence avec les derniers lancements d’Ariane 5 prévus cette année. Mais la relève est déjà sur le qui-vive… Et a fait un peu de gonflette. Les bras cryotechniques d’Ariane 6 affichent chacun un poids de 15 tonnes et une longueur de 13 m ! « Pour cette nouvelle version, nous avons généralisé l’usage des contrepoids en raison de sa grande fiabilité », raconte Thierry Figeac. Exit les vérins pour rétracter les plaques à clapet. De nouveaux contrepoids ont été installés sur les bras : leur chute entrainera, en secours, la casse de différentes pièces et la rétractation des plaques. Grâce à cette nouvelle conception, les bras cryotechniques d’Ariane 6 ne s’écarteront pas 6 sec avant le décollage… Mais au moment-même du décollage !
L'un des bras porte le tuyau d'alimentation en oxygène, et l'autre est dédié à l'hydrogène. Crédits : ESA/CNES/Arianespace - Optique vidéo du CSG.
Les bras sont reliés aux plaques à clapet au sein du bâtiment d'intégration lanceur. Ici, lors de son transfert sur le pas de tir, la fusée Ariane 5 est donc déjà équipée. Crédits : ESA/CNES/Arianespace - Optique vidéo du CSG.