Au sein de la base compacte de mesures antennes, les équipes s’assurent des bonnes performances radio-fréquence et mécanique des antennes déployables du nanosatellite. Crédits : CNES/DE PRADA Thierry, 2021.
Un mécanisme Inédit de déploiement des antennes
Ne vous y méprenez pas, le prototype que vous avez sous les yeux n’est pas celui d’un vaisseau spatial mais d’un nanosatellite ! Les plus grandes faces de ce petit satellite – le parallélépipède gris – ne mesurent que 40 cm x 20 cm. Une fois placé en orbite, 3 antennes se déploient sur sa face dirigée vers la Terre. Vous pouvez les reconnaitre facilement :
- le cylindre blanc et vert renferme l’antenne principale ultra-haute fréquence dédiée à la collecte de données par satellite ;
- les 6 brins cuivrés (4 sont visibles) sont l’antenne AIS, utilisée par les bateaux pour naviguer ;
- et la petite antenne blanche au bout du cylindre communique avec des stations au sol.
Ce nanosatellite appartient à la future constellation Kinéis. Son but ? Faire avancer la recherche scientifique en suivant les déplacements d’animaux sauvages, mais aussi aider le monde industriel à suivre des conteneurs ou encore du personnel déployé en zone reculée.
Le nanosatellite est aujourd’hui fonctionnel tant sur le plan mécanique que radio-fréquence
Décrit comme tel, ce nanosatellite peut paraitre banal … Mais faire tenir 3 antennes sur une surface pas plus grande qu’une feuille A4 représente une véritable prouesse technique. En 2021, au sein de notre Base Compacte de Mesures Antennes (BCMA), à Toulouse, le nanosatellite a démontré la bonne performance de ses antennes. En particulier, l’antenne principale Kinéis est capable de recevoir et d'émettre des signaux très faibles jusqu’à 2500km.
Et embarquer une telle antenne à bord d’un nanosatellite n’est pas chose facile : celle-ci doit résister au lancement du nanosatellite. Un mécanisme inédit a été spécialement développé par le CNES et la société Comat : l’antenne est compactée au sein du cylindre en 4 brins, qui se déploient de façon autonome une fois dans l’espace ! « Les tests au sein de la chambre BCMA du CNES ont été confirmés en 2022 sur un prototype grandeur nature chez notre partenaire Sopéméa : le nanosatellite est aujourd’hui fonctionnel tant sur le plan mécanique que radio-fréquence », décrit Michel Sarthou, directeur technique de Kinéis.
Des millions d'objets connectés grâce à une puce peu énergivore
La constellation Kinéis ne sera pas la 1ere à fournir un service de localisation par satellite. Vous connaissez peut-être sa grande sœur, la constellation Argos ? Déployé il y a plus de 40 ans, le système Argos à travers les services délivrés par la société CLS – une filiale du CNES – est dédié à l’étude de l’environnement. La localisation d’un objet au sol est calculée grâce à l’effet Doppler à une précision inférieure à 100 m. Les 25 nanosatellites Kinéis vont compléter les 7 satellites Argos déjà en orbite. « Cette nouvelle génération de satellites va permettre d’augmenter la fréquence des mesures et la capacité du système, ajoute Michel Sarthou. Le système Argos peut aujourd’hui traiter simultanément environ 20 000 objets, avec Kinéis, nous allons passer à 2 millions ! » Kinéis fournira une géolocalisation autonome avec une précision de quelques centaines de mètres. Les objets nécessitant une meilleure précision pourront choisir d’ajouter un récepteur GNSS, au prix d’une augmentation de la puissance consommée et donc d’une réduction de la durée de vie de leur batterie.
20 stations au sol récupèrent les données transmises par les nanosatellites Kinéis puis les transmettent au centre de mission. Elles y sont traitées, stockées puis enfin distribuées aux utilisateurs. Crédits : CNES/DE PRADA Thierry, 2022.
À terre, n’importe quel objet pourra bénéficier du service grâce à la puce Kinéis. Miniaturisée (7 x 7 mm), elle est très facile à intégrer et ne requiert que très peu d’énergie ! C’est l’un des autres atouts de Kinéis : cette petite puce permettra de fournir un nouveau service dédié à l’internet des objets (IoT). Suivre les déplacements d’un navire de pêche, d’un conteneur ou encore du bétail devient possible partout dans le monde, même dans les endroits reculés. Chaque objet communique avec les nanosatellites Kinéis, qui transmettent les informations collectées à bord à un réseau de stations au sol avant de les distribuer aux utilisateurs. « Ce service est rendu possible grâce au travail de miniaturisation des antennes embarquées sur le nanosatellite, détaille Michel Sarthou. En position repliée, l’antenne principale est 4 fois plus petite que sur le système Argos, tout en conservant les mêmes performances une fois déployée. Cela permet de conserver une taille et consommation réduites de la puce au sol. » Les balises ont ainsi besoin d’une puissance typique de 250 mW seulement pour communiquer avec les satellites Kinéis.
Les équipes de Kinéis se félicitent de la réalisation du projet en un temps record.
Cela a été rendu possible notamment grâce au soutien et à l’expérience du CNES sur la technologie Argos
Michel Sarthou, directeur technique de Kinéis.
Kinéis, une start-up issue de CLS, a été créée en 2018 pour opérer le système Argos. Dès 2019, un 1er prototype baptisé Angels a été mis en orbite, et fournit déjà aux acteurs de l’IoT un nouveau service inédit. Aujourd’hui, les 25 nanosatellites de la constellation sont en cours de fabrication par des industriels français. Le lancement des 5 premiers satellites est prévu pour l’été 2023, et 8 mois seront nécessaires à la mise en orbite de l’ensemble de la constellation à 650 km d’altitude.