Sublimation du CO2 polaire
Opportunity est dans une bien mauvaise posture. Le petit rover de la NASA qui s’est posé sur Mars en 2004 ne répond plus. En effet, une gigantesque tempête de poussière s’est abattu sur la planète rouge en juin dernier et dure encore. Elle rend impossible toute communication avec l’engin qui s’est mis automatiquement en mode « veille » pour sauvegarder ses organes vitaux.

Francis Rocard
« il y a sur Mars une saison des tempêtes qui dure 6 mois, rappelle Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au CNES. Elle correspond au printemps de l’hémisphère sud. La région sud reçoit alors beaucoup de rayonnement solaire ce qui provoque une très forte sublimation du CO2 au niveau de la calotte polaire sud (passage brutal de l’état solide à l’état gazeux du CO2, NDLR)...
... Cette sublimation crée des vents violents qui soulèvent beaucoup de poussière. On est incapables de prédire la globalité de ces tempêtes. Ce qu’on sait, c’est qu’elles ont lieu préférentiellement lors d’une période de 6 mois, toutes les années martiennes, tous les 2 ans environ. Si elles deviennent globales, le vent se met à souffler partout, l’atmosphère devient opaque au point que la surface n’est plus visible depuis l’orbite ou la Terre ! »
La tempête se calme actuellement mais les poussières mettent un temps très long à retomber...
Opportunity est donc perdu au milieu de ce cataclysme martien. « Le rover possède une horloge interne qui prévoit des tentatives de rallumage à heure fixe, explique Francis Rocard. Les grandes antennes de la NASA tentent donc actuellement de capter un signal d’Opportunity. La question cruciale étant : va-t-il se réveiller ? La tempête se calme actuellement mais les poussières mettent un temps très long à retomber. De plus, elles vont recouvrir les panneaux solaires de l’engin lui-même. Il mettra donc probablement beaucoup de temps avant de pouvoir communiquer à nouveau. » C’est pour cela que la NASA a décidé d’arrêter la phase de recherche intensive au milieu du mois d’octobre pour ensuite basculer sur une phase d’écoute plus routinière jusqu’en janvier 2019.
InSight renversé par des vents violents ?
Le rover Curiosity, sur Mars depuis 2012, se trouve-t-il dans la même situation ?
« Curiosity subit exactement la même tempête actuellement mais il n’a pas de panneaux solaires, précise Francis Rocard. Donc pas de souci d’énergie, il possède une pile nucléaire. Il évolue donc tranquillement dans ce « smog » (brume brunâtre épaisse, NDLR) avec une visibilité réduite ». Le 26 novembre prochain, c’est au tour de la mission InSight de se poser sur Mars avec son sismomètre français SEIS. Que se passerait-il si InSight devait atterrir dans un tel chaos ? « Tous les 15 ans, les missions martiennes arrivent durant cette période car la configuration des planètes est cyclique, rappelle Francis Rocard. InSight pourrait subir une tempête dès son arrivée. On n’a pas le choix. Le bouclier thermique au moment de la descente sera peut-être percuté par un grand nombre de particules de poussières mais tout cela a été prévu dans la conception du module d’atterrissage. »
Selfie à 360° du rover Curiosity sur Mars réalisé le 9 août 2018, le ciel obscurci montre la tempête de poussière qui sévit encore actuellement sur la planète rouge. Crédits : NASA/JPL-Caltech/MSSS.
Enfin, l’atterrisseur InSight, une fois posé, pourrait-il être renversé par la violence des vents sur Mars ?
« C’est impossible car la poussée dynamique des vents est quasi nulle sur Mars à cause de la pression très faible (plus ou moins 6 mbar contre 1 bar sur Terre, c’est 160 fois moins, NDLR). Les effets mécaniques des vents sont donc quasiment inexistants. Seules les poussières sont soulevées dans l’atmosphère car elles ont une masse très faible. Sur Mars, on voit des cailloux posés un peu partout avec la pointe vers le haut, ils sont dans cette position depuis des milliards d’années, le vent n’a aucun effet sur eux. »
Rentrée atmosphérique d'InSight sur Mars prévue le 26 novembre 2018. Crédits : NASA.
Atterrissage d'InSight sur Mars prévu le 26 novembre 2018 grâce à des rétrofusées. Crédits : IPGP/Manchu/Bureau 21).
InSight, une fois posé sur Mars, devra mesurer les mouvements sismiques de la planète rouge. Crédits : NASA.