Après votre bac, vous vous destiniez à une carrière d'infirmière. Comment êtes-vous devenue chercheuse ?
Marion Massé : Car on n'a pas voulu de moi en école d'infirmière ! J'ai passé le concours, mais je me suis fait, par 2 fois, recaler aux oraux. En attendant d’obtenir ce concours, je m'étais inscrite à l'Université de Nantes en section ''Sciences de la Terre et de l’Univers'', car j'ai toujours été passionnée par l'astronomie. Mais travailler sur d’autres planètes, c'est comme devenir astronaute, on n'imagine pas qu'on puisse en faire réellement son métier. C'est seulement dans les films ! J'avais tort : il faut vivre sa passion et ses rêves, il faut suivre ce qu'on a envie de faire et surtout ne pas se mettre de limites. On avance toujours mieux quand on fait quelque chose qui nous passionne. Rien ne coûte de tenter !
Comment avez-vous participé à cette découverte d'eau liquide sur Mars ?
MM : Après mon doctorat, en 2011, je suis partie en postdoc à l'Université d'Arizona dans le laboratoire responsable de la caméra HiRISE installée à bord du satellite Mars Reconnaissance Orbiter (MRO). Le laboratoire venait juste de découvrir des écoulements sombres et saisonniers sur des pentes de l’hémisphère sud de Mars. J'ai été naturellement intégrée aux recherches. J'ai participé à des expériences afin de recréer des écoulements d'eau saumâtre et leur assèchement. Ce travail, combiné à d’autres expériences réalisées au laboratoire et aux observations martiennes, a permis d’identifier que les écoulements, qui se forment uniquement durant les étés martiens, sont constitués d’eau fortement salée, une sorte de saumure. Nous n'avons pas directement détecté le liquide, mais les sels qui se déposent suite à l’évaporation de l’eau, comme la cristallisation du sel dans les marais salants.

What's next? Déposer un robot sur ces coulées d'eau saumâtres ?
MM : Cela va être difficile, car le fait d'avoir découvert de l'eau à cet endroit le rend normalement impossible d’accès. Un traité international relatif à l'exploration de l'espace extra-atmosphérique interdit l'envoi de toute mission, qu'elle soit humaine ou robotisée, près d'une source d'eau liquide. Il est en effet impossible de désinfecter à 100 % un robot. Or, si on oublie la moindre bactérie et qu'elle se retrouve en contact avec de l'eau, on risque la contamination du milieu extraterrestre. Au laboratoire de Nantes, nous continuons à travailler avec l'équipe américaine. Nous réalisons en ce moment de nouvelles expériences afin d'étudier plus précisément les écoulements et l'assèchement de coulées de perchlorates hydratés en condition martienne : température, pression... La source de l’eau nécessaire à ces écoulements reste en effet énigmatique : vient-elle du sous-sol ? De l'air martien ?
Marion Massé. Crédits : Marion Massé.
"Un des plaisirs du métier de chercheur sur les planètes c'est aussi de trouver des analogues terrestres et d'aller les voir sur le terrain" (comme ici sur un glacier des Alpes). Crédits : Marion Massé.
Marion Massé fait partie des 29 % de femmes qui constituent les chercheurs en France (selon une enquête réalisée, en 2013, par le Boston Consulting Group).

Expo Space girls/Space women a paris
Découvrez l'expo photos Space Girls/Space Women au Musée des arts et métiers et sur les grilles du jardin de l’Observatoire de Paris jusqu'au 1er novembre 2015. Elle a été conçue par l’agence de photojournalisme Sipa Press et l’ESA avec le soutien du CNES. 18 reportages inédits nous offrent le regard de 3 générations de femmes sur l’espace et les activités spatiales.