Lâcher captif d’un BPSR à Aire-sur-l’Adour. Test effectué en octobre 2020. Crédits : CNES/E. Quevarec, 2020.
Plus résistant
C’est le petit matin, il fait encore nuit. L’enveloppe se mue tout doucement en une imposante boule argentée, vision chimérique dans la brume matinale. 30 kg d’hélium et 1450 kg d’azote sont nécessaires pour remplir les 1400 m3 de ce ballon. Roman de Jules Verne ?
Non ! Ces photos ont été prises en octobre 2020, sur notre base de lâcher de ballons à Aire-sur-l’Adour (40). « Nous avons testé un nouveau type de ballon pressurisé stratosphérique, raconte Erwan Quevarec, chef du service « Véhicules porteurs » au CNES. Le BPSR. Avec un « R » comme renforcé. « Son enveloppe est faite d’un matériau innovant, plus résistant grâce à un tissage de fibres synthétiques. Elle est recouverte d’une couche aluminisée qui protège des UV et assure l’étanchéité du ballon, pour éviter que l’hélium ne s’en échappe. Mais je ne peux vous en dire plus… » Secret industriel.
L’enveloppe du BPSR pèse 110 kg environ, contre 40 kg pour un BPS classique.
Le test effectué en octobre dernier visait ainsi à s’entrainer au lâcher, différent de celui d’un BPS. L’enveloppe du BPSR pèse en effet près de 110 kg, contre environ 40 kg pour un ballon pressurisé « classique ». Autre différence : sa résistance, raison même de son développement, mais qui a demandé aux ingénieurs d’imaginer un nouveau système de destruction.
En fin de mission, la chaine de vol d’un BPS traditionnel se sépare et retombe sous un parachute, alors que l’enveloppe, libérée de cette masse, monte en altitude et éclate en plein de petits morceaux à cause de la surpression. Ce qui ne fonctionnerait pas avec l’enveloppe du BPSR, plus solide. « Donc pour ce dernier, poursuit Erwan, la chaine de vol, lorsqu’elle se sépare, tire dans sa chute sur 2 drisses, activant un système qui déchire le ballon sur 8 m de chaque côté. » C’est ce dispositif qui a été testé, avec succès, en octobre dernier.
Répondre aux besoins scientifiques
Le BPSR est le résultat de 3 années de développement, dans le cadre d’une convention tripartite entre le CNES et 2 industriels français, Thales Alenia Space et CNIM Air Space. Ce nouveau BPS plus résistant et plus imposant, pourra emporter des charges utiles, comprenez des instruments scientifiques, plus lourdes. « Nous travaillons ainsi à répondre aux besoins des scientifiques. », indique Erwan Quevarec. C’est aussi dans cette optique que nous travaillons avec nos partenaires à la conception d’un ballon manœuvrant. Celui-ci pourra monter ou descendre, et rejoindre les couloirs de vents qui le conduiront dans la direction voulue (voir encadré).
Pour le BPSR, la suite de l’aventure aura lieu début décembre aux Seychelles. Un second lâcher est prévu depuis la base de Mahé, en vol libre cette fois-ci, pour une durée espérée de 7 jours à une altitude de 18 km.

Manœuvrer pour faire durer
Les aérostats sont destinés à flotter librement au gré du vent. Mais si l’on pouvait les piloter, ou tout du moins les manœuvrer ? L’idée fait son chemin. « Un tel ballon, explique Erwan Quevarec, pourra être ramené dans la zone d’intérêt scientifique, là où il est censé faire des mesures, des analyses. » Ce qui signifie des missions scientifiques plus longues. Autre intérêt : en fin de vie, un ballon manœuvrant pourra être détruit au-dessus d’une zone choisie. Ainsi, l’enveloppe pourra être récupérée, et pourquoi pas recyclée. Aujourd’hui, il serait trop coûteux, écologiquement et financièrement, de la rechercher après sa destruction sur des milliers de km.
2 candidats potentiels au titre de ballon manœuvrant sont en cours d’étude. Le BPSR, Ballon Pressurisé Stratosphérique Renforcé, et les ballons lobés - aussi appelé ballons « potirons » - utilisés par ailleurs dans le cadre du projet Loon de Google (aujourd’hui avorté).
Le « principe de pilotage » serait toutefois le même : une seconde enveloppe (ballonnet) insérée dans l’enveloppe principale, assurerait la séparation physique de l’hélium et de l’air introduit. En le remplissant d’air, cela alourdirait l’engin qui donc descendrait. Et inversement. En jouant sur l’altitude, l’on pourrait conduire le ballon dans des couloirs de vents de direction et de vitesse différents.