Représentation artistique d'un lac d’hydrocarbures au pôle Nord de Titan. Crédits : NASA/JPL-Caltech/USGS.
Avec son atmosphère 4 fois plus dense que celle de la Terre, Titan s’est longtemps cachée à nos yeux. La mission Cassini-Huygens a tout changé. Entre 2004 et 2017, la sonde américaine Cassini a réalisé 127 survols de la plus grosse lune de Saturne et révélé l’existence de :
- champs de dunes équatoriaux,
- rivières,
- lacs gigantesques au niveau des pôles,
- un océan global à 50-100 km de profondeur, caché sous sa croûte glacée.
De la vie dans les lacs titaniens ?
Avec la Terre, Titan est le seul astre de notre Système solaire à avoir en permanence des liquides à sa surface. Mais ses lacs – aussi grands que les Grands Lacs d'Amérique du Nord – ne sont pas constitués d’eau (H20) mais principalement de méthane (CH4) et d'éthane (C2H6). Non polaires, ces molécules interagissent peu avec les autres composés chimiques. Il y a donc peu de chance de trouver des molécules complexes, à la base de la vie, dans les lacs de Titan. « Même si quelques spéculations rejaillissent parfois, elles restent marginales dans la communauté scientifique » indique Gabriel Tobie, chercheur du CNRS au Laboratoire de planétologie et géodynamique (LPG) à Nantes (44).
De la vie dans l’océan interne de Titan ?
Mais de l’eau liquide, il en existe à 50-100 km sous la surface de Titan, emprisonnée entre 2 couches de glaces. « Les données collectées par la sonde Cassini indiquent que cet océan est assez dense et froid (< - 10°/- 20°C), ce qui suggère qu’il serait assez salé, potentiellement aussi salé que la Mer morte » souligne le chercheur.
Sur Terre, des organismes microscopiques existent dans la Mer Morte mais aussi dans les eaux glaciales de l'Antarctique et de l’Arctique. Des bactéries et archées sont capables de se reproduire à -10 °C, alors pourquoi pas à -20°C ? Surtout qu’au début de l’histoire de Titan, cet océan global était peut-être en surface, en contact direct avec l'incroyable atmosphère de Titan.
L'atmosphère de Titan est constituée en majorité d’azote (N2) – comme l'atmosphère terrestre – et de quelques pourcentages de méthane qui a un cycle similaire à celui de l’eau sur Terre. Il est liquide en surface, s’évapore, forme des nuages en altitude, puis retombe en pluies formant lacs et rivières. A très haute altitude, grâce à l'énergie apportée par des photons et particules cosmiques, le méthane s’associe avec l’azote pour créer des molécules qui se complexifient, tombent et s'accumulent au sol sous forme de dunes sculptées par des méga-tempêtes. Certaines de ces molécules sont constituées d’au moins 7 atomes de carbone, soit des molécules organiques assez complexes, comme l'a révélé la sonde Cassini.
« Titan est un laboratoire chimique à ciel ouvert. La chimie y est sans doute plus diversifiée que partout ailleurs dans notre Système solaire et la plus proche de celle qui a pu exister sur la Terre primitive » explique Caroline Freissinet, exobiologiste au LATMOS qui participe au projet Dragonfly dont l'objectif est de déposer un drone à la surface de Titan en 2034. « Tout cela est actif. Mais de là à dire qu’il y a des briques du vivant, il y a un grand pas à faire ! On n’a pour l’instant aucune idée de la composition de ces matières organiques complexes » ajoute Gabriel Tobie. Pour en avoir le coeur net, il faudrait retourner sur Titan, telle la sonde européenne Huygens qui s'y était posée en 2005.
Par le passé, des molécules, plus ou moins complexes, ont-elles pu être en contact de l'eau liquide ? Là est la question. La seconde question étant : si oui, a-t-elle pu se maintenir ensuite dans un océan global, situé à 50-100 km de profondeur, grâce à une source d'énergie non encore déterminée ?
De la vie ailleurs sur Titan ?
Les exobiologistes ont ces autres idées de lieux où eau liquide et molécules organiques ont pu être « mises en contact ». Plusieurs pistes sont évoquées telles que :
- des blocs de croûte recyclés en profondeur via des mécanismes de subduction,
- des remontées d’eau liquide au niveau de cryo-volcans tels que Sotra Facula,
- des cratères d'impacts de comètes, comme Mernva, où l’augmentation locale de température lors de sa création a peut-être exposé en surface un large volume d'eau provenant de l'océan interne.
« Grâce à la mission Cassini-Huygens, nous savons que Titan abrite un océan en profondeur tout comme Encelade, Europe, Ganymède et Callisto. Par contre, la grande quantité de matière organique en surface est unique. C'est l’association de ces 2 éléments qui rend Titan fascinante » conclut Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au CNES.
La Terre, Mars et Titan juxtaposés à l’échelle. Titan est la 2e plus grosse lune du Système solaire. Crédits : NASA/CNES.
Représentation artistique de rivières sur Titan. Ces rivières ne sont pas constituées d'eau mais de méthane à l'état liquide aux températures de surface du satellite (-180 °C). Crédits : Ron Miller.
Structure interne de Titan déterminée à partir des données gravimétriques et radar de Cassini. Crédits : NASA/JPL/ASI/LPG Nantes.

Formation de particules (aérosols) dans l'atmosphère de Titan. Crédits : ESA/ATG medialab.
Représentation artistique de dunes équatoriales constituées, non de sable, mais de molécules organiques. Crédits : Ron Miller.
Cette vidéo montre la surface de Titan observée dans l’infrarouge par la sonde Cassini avec, en FAUSSES COULEURS, les champs de dunes de la zone intertropicale en orange-brun, des terrains de composition inconnue – vraisemblablement un mélange complexe de glaces d’eau, glaces d’hydrocarbures, hydrocarbures liquides et particules solides organiques – en blanc et violet. Les lacs, se caractérisant par des zones plus sombres sur ce composite, sont visibles au niveau du pôle Nord. Crédits : NASA/Caltech-JPL/University of Arizona/LPG Nantes.