Réalisation de l'expérience Pilote, le 26/05/2021. Crédits : ESA/NASA.
Arrivé dans la Station spatiale internationale (ISS) en avril, Thomas Pesquet reçoit — par cargos de ravitaillement successifs — les expériences scientifiques et technologiques françaises. Certaines (7 exactement) préparent les missions humaines de longue durée vers la Lune et la planète Mars, car, comme l'explique notre astronaute préféré dans une vidéo :
On ne peut pas se permettre d’envoyer des gens sur Mars si on ne sait pas exactement ce qui va se passer. Il faut préparer les systèmes, les matériaux. Il faut avoir les données sur l’humain dans l’espace. Et tout cela se passe à bord de la station spatiale, avec nous entant que cobayes, mais aussi avec des expériences scientifiques.
Thomas Pesquet avant sa 1ere sortie extravéhiculaire (EVA) dans le cadre de la mission Alpha, le 16/06/2021. Crédits : ESA/NASA.

MARS, c'est un an et demi de CONFINEMENT !
Un simple survol de la planète rouge et/ou court séjour à sa surface, c’est un an et demi minimum dans un contexte d’isolement totalement différent de l’ISS. Le délai des communications entre la Terre et Mars requiert davantage d’autonomie de la part des astronautes. Il faut compter entre 3 et 23 min pour envoyer une question et autant pour recevoir une réponse ! « Il sera impossible d’avoir un accompagnement en temps réel lors des séjours sur Mars. De plus, quand Mars sera de l’autre côté du Soleil par rapport à la Terre, il aura en plus un trou de communication d’une dizaine de jours » indique Jean Blouvac, notre responsable du programme Exploration et vols habités.
ANTICIPER L'AFFLUX DE RADIATIONS LIÉES AUX ÉRUPTIONS SOLAIRES
En août, Thomas Pesquet a réceptionné le dosimètre actif à fibre optique de l’expérience Lumina. C'est la 1ere fois qu'une telle technologie est testée en micropesanteur. « Les dosimètres sont essentiels à toute mission humaine de longue durée car ils mesurent la quantité de radiations qui pourraient endommager le matériel mais aussi l’ADN des astronautes. Grâce à des dosimètres à fibre optique, on espère voir les prémices des éruptions solaires et pouvoir prévenir les astronautes avant les pics de radiations, avec un préavis d’environ une heure, pour qu’ils se mettent à l’abri quand ils seront en sorties sur la Lune, et un jour sur Mars » explique Rémi Canton, notre chef de projet de la mission Alpha. Située en orbite basse, l’ISS est protégée des radiations solaires et cosmiques par le champ magnétique de la Terre. Il en sera tout autrement sur Mars et sur la Lune.
GARDER LA FORME AVEC MOTIVATION
Thomas Pesquet répète l'expérience Immersive Exercise au centre d'entraînement des astronautes européenns (EAC), à Cologne, en Allemagne. Crédits : ESA.
Dans l’espace, les astronautes pratiquent au minimum 2h de sport par jour afin de limiter la perte de masse musculaire en impesanteur. Or cet exercice physique quotidien, réalisé dans un environnement fermé et immuable, devient vite répétitif et ennuyeux. L’objectif de l’expérience Immersive Exercise est de briser cette routine sportive grâce à la réalité virtuelle en « transportant » l'astronaute sur Terre.
Equipé d’un casque de réalité virtuelle immersif et d’une paire de chaussures dotées de capteurs de cadence, Thomas Pesquet va pédaler dans l’ISS tout en ayant l’esprit dans les rues de Paris, aux alentours de Marseille, ou encore en Russie à Saint-Pétersbourg… Les vidéos filmées à 360° sur Terre sont jouées dans le casque de réalité virtuelle et leur vitesse de défilement est synchronisée à la vitesse de pédalage. Le ressenti des astronautes sera étudié afin de déterminer son impact psychologique, un enjeu majeur avant d'envisager de longs voyages spatiaux vers la Lune et Mars.
RÉALISER DES TÂCHES ROBOTIQUES À DISTANCE
Un casque de réalité virtuelle sera aussi utilisé pour l’expérience Pilote. Cette expérience de neuroscience vise à étudier la coordination main-œil et les différents schémas que le cerveau met en place pour réaliser une tâche de pilotage ou de robotique dans un environnement virtuel. Elle combine la réalité immersive (le casque) et un dispositif haptique simulant le sens du toucher avec un retour d’effort. « Sur la Lune, on pourrait imaginer des astronautes depuis une station en orbite lunaire qui pilotent un rover pour explorer la surface ou prélever des échantillons » souligne Rémi Canton.
Rémi Canton, notre chef de projet de la mission Alpha au CADMOS (CNES). Crédits : CNES/DE PRADA Thierry, 2021.
BIEN DORMIR, BIEN RÊVER
Dans l’ISS, les astronautes voient le soleil se lever et se coucher 16 fois par jour. Durant un voyage vers Mars ou vers la Lune, ce rythme sera également perturbé. Or, les perturbations du sommeil altèrent les capacités à mémoriser, réfléchir, à mettre en place des stratégies pour faire face à des situations inhabituelles -- qui vont immanquablement arrivées sur Mars. Arrivée en février 2021, l’expérience « Dreams » se compose en 3 sessions d'enregistrements sur 2 nuits. Lors de ces sessions (dont 2 ont déjà été réalisées), Thomas Pesquet est équipé d’un bandeau frontal doté d’un capteur qui enregistre l’activité cérébrale, à partir de laquelle on déduit les cycles/phases/qualité du sommeil, et d'un accéléromètre pour mesurer la fréquence respiratoire et les mouvements. Ces enregistrements seront comparés aux mesures de référence réalisées quelques semaines avant le décollage afin de déterminer les perturbations du sommeil dans l’espace.
DES PRODUITS FRAIS DE LONGUE DURÉE
Les produits frais actuellement apportés par les véhicules de ravitaillement dans l’ISS arrivent tous les 3 à 4 mois. Or, leur durée de conservation n'est que d'une semaine environ. Prévue pour une arrivée en août, l’expérience « Freshness Packaging » doit démontrer l’efficacité de nouveaux emballages perméables dont la particularité est de permettre des échanges gazeux favorisant la conservation des fruits et légumes pendant 15 jours à 1 mois. Le bien-être des astronautes passe aussi par la nourriture.
LIMITER LES DÉCHETS
En août, Thomas Pesquet a reçu un étui « consommable » rembourré avec du pain d'épice, de la madeleine et du pain de Gênes dans le cadre de l'expérience « Edible Foam ».
Il a vérifié que les parois comestibles avaient bien rempli leur mission de protection du matériel transporté, en inspectant contenant et contenu et en répondant à un questionnaire détaillé. « Actuellement, les étuis arrivant dans l’ISS sont assemblés avec des mousses fabriquées à partir de dérivés du pétrole. Ces mousses grises sont encombrantes et inutiles à bord de la station. Pour la 1re fois, nous allons tenter de transformer les trousses de transport en charge utile comestible ! Ces mousses pourraient par la suite être utilisées lors de futurs voyages vers la Lune ou la planète Mars, avec un intérêt important : optimiser la gestion des ressources et des déchets lors des missions spatiales habitées » précise Rémi Canton.
DÉPLACER DES OBJETS SANS LES TOUCHER AVEC TÉLÉMAQUE
Déplacer un objet sans entrer en contact avec lui, c’est l’objectif de la « pince acoustique » de l’expérience Télémaque. Cette pince émet un champ d’ondes ultrasonores qui exercent une force sur les objets qu’elles rencontrent lors de leur propagation, créant un piège autour d’eux. Cela permet de contrôler et déplacer un objet (de petite taille) avec une très grande précision. « En micropesanteur, une telle pince pourrait permettre de de manipuler des échantillons ou des produits toxiques — liquides ou solides — sans contact et sans risque de contamination » explique Jean Blouvac.

LE CADMOS au coeur des opérations
Le CADMOS est le Centre d’Aide au Développement des Activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales. C'est un centre opérationnnel basé au CNES de Toulouse. Il a pour rôle d’accompagner les utilisateurs scientifiques, pour adapter leurs expériences aux contraintes de la micropesanteur, dans la Station spatiale internationale, l’Airbus A310 Zero-G, etc. Dans le cadre de la mission Alpha, il a préparé les 12 expériences françaises embarquées dans l'aventure avec Thomas Pesquet.