La face cachée de la Lune et la Terre observées en 2018 par le micro-satellite Longjiang-2 de la mission Chang'e-4. Crédits : CAMRAS/CNSA.
La nouvelle route vers la Lune
Depuis 2007, la Chine a lancé avec succès 4 missions vers la Lune dans le cadre de son programme d’exploration nommé Chang’e (nom de la déesse de la Lune dans la mythologie chinoise). Ce programme comporte 3 phases robotisées composées chacune de 2 missions - la seconde servant de doublure en cas d’échec de la 1ere.
La phase 1 consistait à placer une sonde en orbite autour de la Lune ce qui fût réalisé avec succès en 2007 par Chang’e-1 et en 2010 par Chang’e-2.
La phase 2 avait pour ambition d'atterrir sur la Lune et l’explorer avec un véhicule robotisé. Le 14/12/2013, Chang’e-3 s’est posé et a libéré le rover Yutu, aussi appelé « Lapin de Jade », qui a arpenté le sol lunaire durant 6 semaines, contre 3 mois prévus initialement. Très tôt immobilisé pour des problèmes mécaniques, Yutu a néanmoins survécu pratiquement 2 ans aux conditions extrêmes de l'environnement lunaire. Aujourd'hui, son jumeau concentre les feux des projecteurs. Depuis le 03/01/2019, Yutu-2 arpente la face cachée de la Lune après un alunissage historique !
La phase 3 a pour objectif de rapporter des échantillons lunaires sur Terre pour la 1ere fois depuis 1976 et la mission soviétique Luna 24. Cela devrait être chose faite à la fin l’année 2019 avec le lancement de Chang’e-5. Prévue pour 2023-2024, Chang’e-6 est la mission de secours de Chang’e-5. C’est sur elle que la Chine a proposé d’embarquer des instruments étrangers et probablement français limités à 10 kg lors de la visite d’Etat du président chinois, Xi Jiping, à Paris le 25/03/2019. Ce n’est pas une 1ere : dans le cadre de la mission Chang’e-4, 3 instruments européens avaient été greffés sur l’atterrisseur.
Le 03/01/2019, Yutu-2 est devenu le 1er rover à explorer la phase cachée de la Lune. Photo prise par l'atterrisseur de Chang'e-4. Crédits : CNSA/CLEP.
Illustration de l’atterrisseur de Chang’e-5 portant le module de remontée des échantillons lunaires. L’atterrisseur de Chang’e-6 sera une copie de ce robot. Crédits : CNSA/CLEP.
specificités et contraintes de Chang'e-6
48 h de mesures, maxi
La finalité de la mission Chang’e-6 impose des contraintes à l’instrument français qui sera embarqué sur l’atterrisseur. La 1ere est la durée des mesures : l’atterrisseur ne fonctionnera que 48 h - le temps de prélever 2 kg d’échantillons, de les placer dans le module de remontée qui décollera ensuite avec sa cargaison vers le module de service en orbite.
Le lander va rester actif 48 h sur place, c’est très court
Heureusement, la connexion avec la Lune se déroule en temps quasi-réel, ce n’est pas comme pour Mars » indique Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au CNES. Et d'ajouter : « On peut faire de la science en 48h mais toutes les expériences ne s'y prêtent pas. »
Une fabrication express
L’embarquement est quasi-imminent. Prévue à l'horizon 2023-2024, la date de lancement de Chang’e-6 peut paraître lointaine pour beaucoup d'entre nous, mais pour les scientifiques, c’est demain ! « L’expérience sur le lander doit être assez simple pour être fabriquée rapidement. Imaginons que l’instrument soit sélectionné fin 2019, il devra être fourni à l’Agence spatiale chinoise fin 2022 pour un envol en 2023. Or, 3 années, c’est relativement court pour fabriquer un instrument spatial, fréquemment cela prend plus de 5 ans » souligne Francis Rocard.
Un lieu d’atterrissage encore inconnu
Quant au site d’atterrissage de Chang’e-6, il n’est pas encore défini - ce qui implique une certaine polyvalence pour l’expérience qui sera embarquée. Si Chang’e-5 réussit, Chang’e-6 pourrait cibler le pôle Sud, voire même la face cachée de la Lune en utilisant le satellite relais Queqiao lancé dans le cadre de la mission Chang’e-4. Chercheurs « lunatiques », à vos crayons, l'agence spatiale chinoise (CNSA) lance son appel à projets le 18/04/2019 !
Lancé en mai 2018 dans le cadre de la mission Chang’e-4, le satellite Queqiao sert de relais entre la face cachée de la Lune et la Terre. Il pourrait aussi être utile lors de la mission Chang’e-6. Crédits : CNSA/Cité de l’espace.