MASCOT est un robot de 10 kg de la taille d’une boîte à chaussure, sans système de propulsion, ni harpons. Crédits : Jaxa.
A quelle altitude sera libéré MASCOT ?
Aurélie Moussi : MASCOT va être séparé d'Hayabusa2 à environ 55 m de la surface de l’astéroïde, à une vitesse d’environ 5 cm/s (soit 0,2 km/h, NDLR) grâce à un mécanisme à ressort. Sa chute devrait durer moins de 10 min, sachant que l'incertitude inévitable sur la position précise d’Hayabusa2 lors de cette libération fait que la prédiction de cette durée varie entre 3 et 12 min selon les scénarios.
Crédits : CNES.
Aujourd’hui chef de projet MASCOT, Aurélie Moussi était auparavant responsable des opérations scientifiques de l'atterrisseur Philae de la mission Rosetta. Crédits : CNES/GRIMAULT Emmanuel, 2018.
Comparaison entre MASCOT et Philae en 2014. Crédits : CNES.
MASCOT devrait-il rebondir comme philae ? Si oui, combien de fois, pendant combien de temps et jusqu’à quelle distance ?
A. M.: Tous les scénarios peuvent se produire : depuis MASCOT qui s’enfonce à son 1er contact dans un sol mou, à un MASCOT qui se retrouve “coincé” entre 2 rochers, jusqu'à un MASCOT qui rebondit beaucoup sur un sol dur. La trajectoire de MASCOT sur Ruygu depend fortement de la nature du sol que nous ne connaissons pas. Les simulations de l’équipe de mécanique spatiale du CNES montrent toutefois que MASCOT devrait rebondir entre 1 et 20 fois, avec une zone de stabilisation située dans un cercle de 250 m de diamètre autour du 1er impact. Comme l'a récemment dit Laurence Lorda, la responsable de l'équipe de mécanique spatiale :
l’atterrissage de MASCOT, c’est un peu comme jeter un dé sur une surface qu’on ne connaît pas, avec des obstacles qu’on ne connaît pas
Au niveau de la durée, on s’attend à une phase de rebonds de l’ordre de 50 min, mais si on considère les cas extrêmes, la phase de rebond peut durer entre 0 et 150 min, soit 2h30. C'est une durée considérable si on la compare à l’autonomie de la batterie de MASCOT : 15 h uniquement et une perte sèche pour la science !
Le site d'atterrissage de MASCOT sur l'astéroïde Ryugu (un géocroiseur de 900 m de diamètre) a été choisi le 23/09/18. En bleu foncé : la zone de probabilité du 1er contact, en bleu plus clair : la zone de stabilisation possible après rebonds. Crédits : JAXA, University Tokyo, Koichi University, Rikkyo University, Nagoya University, Chiba Institute of Technology, Meiji University, University of Aizu, AIST, CNES, DLR.
Quels sont les risques de cet atterrissage ?
A. M.: Ce que nous craignons le plus, c'est que MASCOT se retrouve bloqué entre 2 rochers et ne puisse plus bouger. Il lui serait alors impossible de se retourner grâce à son bras interne articulé pour se positionner correctement afin de communiquer avec la sonde et réaliser les mesures scientifiques dans les meilleures conditions. Autre crainte : qu’il s’arrête à l’ombre d’un énorme rocher, ce qui pourrait poser des problèmes de communication avec Hayabusa2. Cela pourrait aussi empêcher MASCOT de détecter correctement son orientation et la face sur laquelle il est posé puisque les détecteurs se basent sur la quantité de lumière du Soleil reçue par chaque face. Un autre enjeu est le temps que MASCOT va passer à rebondir, qui est autant de temps de batterie en moins pour les opérations scientifiques.
Pas de risque qu’il rebondisse trop haut et se satellise autour de l’astéroïde ?
Toutes les simulations montrent que nous ne devrions pas atteindre la vitesse de libération (38 cm/s) donc non !

MASCOT devrait toucher la surface de l'astéroïde Ryugu à une vitesse d’environ 10 cm/s, soit 0,36 km/h. L'attraction de l'astéroïde est 60 000 fois plus petite que la gravité terrestre. Crédits : DLR.
Les dés sont-ils déjà jetés ?
A. M.: Oui, quasiment. La JAXA (l’agence spatiale japonaise, NDLR) nous a demandé de figer la date et la position de l’atterrissage dès la fin août. Une semaine avant la date de séparation fixée au 03/10, les commandes de sépartion seront envoyées à MASCOT par le centre de contrôle situé au DLR (le centre spatial allemand, NDLR) de Cologne. Lors de l’atterrissage, les fenêtres de communication de MASCOT avec Hayabusa2 seront très restreintes. Il faut aussi savoir que les communications entre Hayabusa2 et la Terre prennent plus de 30 min aller-retour. MASCOT sera donc largement autonome lors de sa phase d’atterrissage sur Ryugu. Il devra se débrouiller tout seul !
Notre équipe de mécanique spatiale reste toutefois mobilisée pour affiner la prédiction de la trajectoire de MASCOT en fonction des dernières données qui nous arrivent et essayer de calculer les chances de voir MASCOT apparaître sur les images faites par la sonde Hayabusa2 pendant sa remontée afin de savoir plus vite où chercher le robot. Le 3 octobre, nous serons en lien étroit avec le DLR et la JAXA (l’agence spatiale japonaise, NDLR) afin de recalculer en temps réel les fenêtres de communication entre MASCOT et Hayabusa2. Nous passerons toujours par le relai qu’est Hayabusa2 et c’est le centre de contrôle au DLR qui tient les rênes.

MISSION HAYABUSA 2
Hayabusa2 est une mission de l'agence spatiale japonaise (JAXA) de retour d’échantillons et d'analyse de l’astéroïde Ryugu. Elle embarque 3 expériences : une collecte d'échantillons de sol de Ryugu par la sonde elle-même (retour sur Terre en 2020), l'atterrissage et l'analyse in situ de 3 mini-rovers MINERVA-II et enfin l'atterrissage et l'analyse in situ du robot MASCOT. Ce dernier a été développé et construit par le centre spatial allemand (DLR) en étroite collaboration avec le CNES. Les instruments scientifiques à bord de MASCOT ont été développés par le DLR, l'Institut d'Astrophysique Spatiale d'Orsay (France) et l'Université Technique de Braunschweig (Allemagne). L'atterrisseur MASCOT et ses expériences sont exploités et contrôlés par le DLR avec le soutien du CNES et en interaction constante avec la JAXA.