C’est dans son atelier parisien que nous rencontrons le dessinateur Jean-Claude Mézières. Malgré un emploi du temps chargé à la veille de nombreux événements dédiés à son héros Valerian, il prend le temps de nous en dire plus sur ses « souvenirs du futur » de cette BD spatiale qui a marqué une génération de « petits lecteurs » comme il les appelle, dont un certain Luc Besson…
Vos inspirations de jeunesse semblaient plutôt tournées vers le Far West. Comment en êtes-vous arrivé à plancher sur le spatial ?
Jean-Claude Mézières : Après avoir commencé ma carrière de dessinateur/scénariste BD sur le thème du Far West, très apprécié à l’époque, le spatial nous est apparu, à Christin et à moi, comme une évidence ! C’était les années 1960, marquées par la rivalité américano-soviétique pour la Lune et en même temps, la science-fiction était un genre très peu exploité en bande-dessinée.
Nous nous sommes donc lancés, sans savoir que cette aventure spatio-temporelle allait durer plusieurs décennies !
Quelle est la part de réalité scientifique dans Valerian et Laureline ? Est-ce important pour vous ?
JCM : Il n’y en a aucune ! Par contre, les scientifiques disent aujourd’hui qu’il y a des choses intéressantes à étudier dans Valerian ! C’est la logique narrative qui compte avant tout et ensuite l’esthétique. Par exemple, le côté pratique de l’embarquement à bord de l’astronef par rapport à l’embarquement dans la fusée de Tintin avec ses échelles à n’en plus finir !
On voit que votre récit – bien que futuriste – est jalonné de dates en lien avec l’actualité réelle. Est-ce important pour vous de « garder les pieds sur Terre », même quand le héros passe son temps à faire des bonds spatio-temporels ? Pourquoi ?
JCM : Cette approche n’était pas habituelle dans les années 1970, car l’univers de la BD était alors très conservateur. Le bien devait triompher du mal à la fin, quoiqu’il arrive. Nous avons voulu parler d’écologie, poser des questions importantes comme « A-t-on le droit de bousiller une planète ? ». Ce n’est pas garder les pieds sur Terre, mais plutôt parler de choses qui nous concernent ! Le miroir déformant pour surchauffer la réalité, c’est ça la science-fiction, comme le dit Christin !
A-t-il été difficile pour vous de terminer la série ? Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
JCM : La quête pour retrouver Galaxity est terminée, mais pas forcément les aventures de Valerian et Laureline… Le prochain épisode est prévu pour 2018, si on m’en laisse le temps bien sûr !
A l’heure où les grandes sagas produisent des « numéros intercalaires », est-ce d’actualité pour Valerian et Laureline ? Par d’autres auteurs ?
JCM : Pas de reprise des personnages car notre imaginaire nous appartient ! En revanche, il existe des adaptations libres comme Valerian vu par Manu Larcenet par exemple. Chacun raconte son Valerian, et ça on en est ravis !
Valerian & Luc Besson : une longue histoire
Votre collaboration avec Luc Besson a commencé avec le 5ème élément en 1997. Pouvez-vous en dire plus ? Ce film comporte-t-il des clins d’œil à Valerian et Laureline ? Lesquels ?
JCM : Tout a commencé car Luc Besson était un de mes petits lecteurs ! Il dit toujours que Valerian a été une de ses BD favorites. A l’époque, je travaillais sur Les cercles du pouvoir et je m’en suis servi pour réaliser des dessins d’inspiration pour les décors du film, notamment le taxi volant conduit par Korben Dallas. (ndlr, à retrouver dans un livre Les Extras de Mézières, tome 2 : Mon cinquième élément sorti en 1998)
Le 26/07 prochain, Luc Besson sortira un film intitulé Valerian et la Cité des 1 000 planètes. Est-il directement inspiré de l’album L’Empire des 1 000 planètes ? Avez-vous joué un rôle dans cette adaptation ?
JCM : Le film de Luc Besson s’inspire plutôt largement de l’album l’Ambassadeur des Ombres. Mais une adaptation n’est pas un copier/coller d’un album, au contraire ! Avec Christin, on a vu le film terminé et c’est très plaisant de voir cela ! Nous n’avons pas contribué à ce film directement car Luc Besson avait 23 albums de Valerian à disposition, c’est une base documentaire suffisante à mon avis !
Référence à l’actualité spatiale française du moment : avez-vous suivi la mission Proxima de Thomas Pesquet ? Peut-on dire que Thomas Pesquet est un Valerian des temps modernes selon vous ?
JCM : Il semblerait que Thomas Pesquet soit un autre « petit lecteur » de Valerian, mais je n’ai pas vérifié cette information ! Personnellement, je n’ai pas de télévision et même sans moi, il semblerait que la mission se soit bien passée, alors…
En revanche, avec la boucle du temps et les sauts spatio-temporels, Valerian est peut-être encore plus moderne que Thomas Pesquet, vous ne pensez pas ?
Salon du Bourget 2017 [#SPACEBOURGET17]
Jean-Claude Mézières sera présent sur le pavillon du CNES au Salon du Bourget le 23/06/2017. Il participera à une masterclass sur le thème de l’inspiration spatiale.