5 Février 2020

[Décryptage] OneWeb et Starlink à la conquête de l’Internet spatial

En janvier 2020, SpaceX a lancé 120 satellites de sa constellation Starlink. Le 06/02/2020, une fusée Soyouz va décoller avec la 1ere grappe complète de 34 satellites de la start-up OneWeb. Ces 2 entreprises ambitionnent de fournir dès 2021 un accès Internet haut débit à la planète entière depuis des orbites basses.

2020 est une année déterminante pour les entreprises qui veulent fournir l'Internet à haut débit vers les régions dans lesquelles installer des antennes et/ou la fibre est impossible ou n'a pas de sens économique (océans, déserts, montagnes, forêts, Arctique...). SpaceX, la société d’Elon Musk, a débuté fort cette année avec 2 lancements de 60 satellites de sa constellation Starlink les 07 et 29/01/2020. OneWeb, qui a réussi à lever 3,4 milliards de dollars auprès de grands groupes (Airbus, Coca-Cola, Qualcomm, Virgin) et de SoftBank, a confirmé le lancement de sa 1ere grappe complète de 34 satellites le 06/02/2020 (GMT) par une fusée Soyouz depuis le Kazakhstan. La société Amazon reste en embuscade avec sa constellation Kuiper.

Représentation d'artiste de la constellation OneWeb. Crédits : OneWeb.

production de satellites en série

Pour atteindre son objectif, OneWeb a investi et passé du temps à définir une chaîne d’assemblage de satellites entièrement robotisée dans un hangar Airbus/OneWeb à Toulouse. Les 10 premiers satellites OneWeb y ont été fabriqués. 6 ont été mis en orbite en 2019 lors d’un lancement test depuis le Centre spatial guyanais. Aujourd’hui, les satellites OneWeb sont fabriqués dans une usine en Floride sur 2 chaînes de production identiques. Le 14/01/2020, l’entreprise a annoncé avoir atteint son objectif de production avec une cadence de 2 satellites/jour.

Historiquement, les satellites sont construits sur mesure et fabriqués à l’unité. OneWeb, et sans doute aussi SpaceX, utilisent des méthodes de production en série inspirées de l'automobile et de l'aviation. 

La baisse des coûts vient de cette production en série mais aussi de l’utilisation de composants venant des domaines aéronautiques et automobiles »  indique Dominique Pradines, notre sous-directeur Radio-Fréquences. L'expertise du CNES avait été sollicitée par les investisseurs et PME français, au moment de l'éclosion de OneWeb, il y a quelques années.

Définition de la chaîne d’assemblage des satellites OneWeb à Toulouse. Crédits : OneWeb.

Dominique Pradines, sous-directeur Radio-Fréquences, CNES. Crédits : CNES/LECARPENTIER Lydie, 2018.

Des lancements à la chaîne 

A cette production en série est associée une forte cadence de tir. Côté OneWeb, 21 lancements sont prévus jusqu’en mai 2021, soit 1 par mois environ. Pour réaliser ces lancements, OneWeb a choisi notre opérateur historique de lancements européen Arianespace. La majorité des décollages auront lieu depuis le Kazakhstan (Baïkonour) et la Russie (Vostotchnyi) à bord de fusées Soyouz. OneWeb a aussi réservé le vol inaugural d’Ariane 6 depuis le Centre spatial guyanais, prévu au 2e semestre 2020. Côté SpaceX, Elon Musk projette la mise en orbite de 1600 satellites à 550 km d’altitude dans un 1er temps. Il compte bien offrir des services au Canada et au nord des Etats-Unis dès la fin 2020. 

Quid des débris en cas de panne ?

Ces méga-constellations de satellites ne vont-elles pas générer des milliers de débris et compromettre une utilisation durable de l'espace autour de la Terre ? « C’est un grand point d’interrogation. Tout dépend de l’altitude. Si les satellites sont sur des altitudes très basses, typiquement autour de 200-500 km comme pour les nanosatellites et les 1ers satellites de Starlink, cela pose moins de problèmes : ils vont rentrer dans l’atmosphère dans des délais relativement limités. Par contre, s’ils sont plus hauts, comme ceux de OneWeb, c’est plus problématique car s’ils perdent leur propulsion, ils ne pourront pas rentrer naturellement dans l’atmosphère » indique Dominique Pradines. A noter que les satellites de Starlink posent d’autres soucis : leur brillance génère une pollution lumineuse et perturbe les observations astronomiques.

Le saviez-vous ?

Pour être sûr d'avoir toujours un satellite au-dessus des utilisateurs ! Contrairement aux satellites de télécommunications positionnés sur une orbite géostationnaire à 36000 km d’altitude, les satellites Starlink et OneWeb ne survolent jamais la même région du globe terrestre. Ils sont dits « défilants » : impossible dans ce cas de diffuser en continu la télévision et l'Internet avec un seul engin spatial. D'autres satellites défilants doivent prendre le relai, puis le passer à d'autres, puis à d'autres... Afin d'éviter les coupures dans le film en streaming ou la conversation vidéo en cours. Il faut donc que ces constellations soient constituées d’un grand nombre de satellites, d’autant plus grand que l’orbite est basse. Mais alors pourquoi s'embêter à installer des satellites de télécommunications à des altitudes inférieures à 2000 km ? Pour réduire la distance et donc le temps de latence et ainsi fournir une connexion plus rapide et plus fluide adaptée aux nouveaux usages d'Internet. 2020 verra-t-elle la montée des méga-constellation d'Internet spatial et 2021 leur monétisation ? L'avenir le dira...

Le 27/02/2019, une fusée Soyouz décollait de Kourou avec les 6 premiers satellites de la constellation OneWeb lors d'un lancement test. Crédits : CNES/ESA/Arianespace/Optique Vidéo CSG/S Martin, 2019.

A lire, le CNESMag n° 82

Pour prolonger la thématique, vous pouvez lire en ligne gratuitement, le nouveau  CNESMAG. Au sommaire de ce numéro 82 : « Télécommunications spatiales, bienvenue dans une nouvelle ère ». Pour tout savoir sur la révolution en cours  dans le domaine des télécommunications par satellite, incontournables pour connecter demain l'ensemble des habitants de la planète et leur apporter des nouveaux services dans tous les secteurs de leur vie quotidienne.