29 Septembre 2016

Curiosity face au Mont Sharp

En juillet 2016, la NASA a donné son feu vert à la 2e extension de la mission du rover Curiosity. Elle va débuter le 1er octobre au pied du Mont Sharp. 3 questions à Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au CNES.
5 km sépare le fond du cratère Gale du sommet du Mont Sharp. Curiosity est-il bien équipé pour grimper ?

Francis Rocard : Attention, Curiosity ne va pas escalader le Mont Sharp. L'objectif de Curiosity n'est pas de faire de l'alpinisme. C'est de faire de la géologie, de remonter dans le temps en étudiant la stratification géologique du Mont Sharp. Or dans les stratifications, le plus vieux est en bas. Les argiles, vieilles de plus de 3,5 milliards d'années et qui se sont formées alors que l'eau liquide abondait sur Mars, se trouvent à la base du Mont Sharp juste en-dessous de sulfates vieux, eux, d'environ 3 milliards d'années.

Curiosity a atterri en août 2012 au fond du cratère Gale vu ici par l'orbiteur européen Mars Express. Les différentes couleurs soulignent les différentes élévations. Crédits : ESA/DLR/FU Berlin (G. Neukum).

 

Curiosity va-t-il bientôt atteindre ces argiles ?

Curiosity doit d'abord traverser la ride d'hématite, ce qui va nécessiter une petite grimpette d'environ 200 m. Il va ensuite redescendre et devrait atteindre au printemps 2018 les zones argileuses, l'objectif central de sa mission, situées juste après la ride. 2 km après les argiles se trouve la région des sulfates qui sera le dernier objectif de la mission.

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En août et septembre 2016, Curiosity a traversé le décor de Far West des buttes de Murray. A l’automne 2017, il devrait atteindre la ride d'hématite. Crédits :  NASA/JPL-Caltech.

Autoportrait du mat de Curiosity avec l’instrument ChemCam à son sommet. En dessous, les doubles paires de caméra stéro pour la navigation et les 2 principales caméras (carrés blancs). Image acquise le 17 septembre 2016. Crédits :  NASA/JPL-Caltech/MSSS. 

3,5 km/an

Depuis son arrivée le 6 août 2012, le rover a parcouru 14 km. 


Début septembre, un article de Nature a annoncé que des ruisseaux de saumures pourraient barrer la route de Curiosity. Faudra-t-il détourner le rover pour éviter toute contamination par des bactéries terriennes ?

FR : Ce débat n'a pas lieu d'être. La mission de Curiosity devrait s'arrêter avant d'atteindre la zone de ces potentielles RSLs [ndlr : ''recurring slope lineaes''] qui sont majoritairement dans la zone des sulfates. En outre, si Curiosity devait traverser une RSL, on s'interdirait alors de forer. La foreuse est l'instrument le plus problématique par rapport à une contamination éventuelle. Dans le cas de la mission européenne ExoMars et du robot mobile qui sera envoyé en 2020, cette foreuse sera stérilisée en profondeur, tout comme certains instruments d'analyse. L'objectif d'ExoMars est de rechercher la vie mais ce que l'on s'interdit dans ce type de mission, est le faux positif. C'est de décréter l'existence d'une vie martienne (passée ou présente) alors que c'est de la vie terrienne que l'on a réellement trouvé !

ChemCam à la rescousse

58 ruisseaux de saumures sont susceptibles de se trouver autour du site atterrissage de Curiosity d'après l'analyse d'images acquises par l'orbiteur américain MRO. Pour en avoir le cœur net, l'instrument ChemCam, co-opéré depuis Toulouse par le Fimoc, a été appelé à la rescousse. Son télescope, la caméra la plus puissante du robot, permettra d'avoir des images d'une grande précision. Pour l'instant 8 des 58 stries foncées repérées ont été retoquées !

Stries sombres repérées sur Mars par la caméra HiRISE de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter (MRO). Crédits : NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona.

3%

c'est la teneur maximale en eau des RSLs selon un récent article