« Visages bouffis et mollets de coq »
Life : Origine inconnue, est un peu le trait d’union entre Gravity et Alien à ceci près que le 8e passager, cette fois-ci, vient tout droit de la planète Mars. Tout se déroule dans le huis clos de la Station spatiale internationale à 400 km au-dessus de nos têtes, dans un futur proche avec 6 astronautes à bord. Les protagonistes évoluent dans une majestueuse impesanteur reproduite, ici, avec un réalisme époustouflant grâce aux effets spéciaux. A l'instar de Gravity, les visages des acteurs n'ont pas changé d'un cil. Dans la réalité, ils seraient légèrement déformés à cause de l’afflux sanguin dans les membres supérieurs et la tête lorsque le corps humain est soumis à la microgravité.
Brigitte Godard, médecin, ESA
« En effet, dans l’espace, l’ensemble des fluides du corps humain, le sang mais aussi les autres fluides, vont aller se répartir dans le haut du corps ».
... un astronaute va perdre 1% de masse osseuse par mois...
« Le visage devient donc bouffi et les jambes plus fines avec un aspect "mollet de coq". Le cœur va fonctionner aussi différemment avec des cavités qui vont se dilater et un rythme cardiaque qui va s’accélérer. Mais ce n’est pas tout. Les effets de l’apesanteur sur le corps humain sont aussi et surtout une perte de masse osseuse et musculaire considérable car le corps n’est plus soumis à la marche. A titre de comparaison, les gens qui souffrent d’ostéoporose sur Terre perdent en moyenne 1% de masse osseuse par an, un astronaute va perdre 1% de masse osseuse par mois », explique le médecin des astronautes européens.
Contamination de la station
Dans le scénario du film, des échantillons de sol martien sont récupérés par l’ISS, sans doute par mesure de précaution, de façon à éliminer tout risque de contamination de la biosphère terrestre par un élément extraterrestre.
Un tel scénario de retour d’échantillons martiens est-il réaliste ?
Michel Viso, exobiologiste, CNES
« Effectivement, ce scénario a été envisagé par le COSPAR (Committee on Space Research, le groupe scientifique international ou se débattent les questions scientifiques spatiales, ndlr) entre les années 2005 et 2010. Malheureusement, les contraintes d’isolement biologique des échantillons sont draconiennes ».
... une installation très compliquée, très coûteuse à concevoir et à construire sur Terre alors dans l’espace…
« les échantillons doivent être, d’une part, confinés pour ne pas risquer de contaminer l’environnement de la station et d’autre part être protégés eux-mêmes d’une contamination chimiques ou biologiques d’origine terrestre qui fausserait les analyses. C’est une installation très compliquée, très coûteuse à concevoir et à construire sur Terre alors dans l’espace… Sans parler du fait qu’au moment où un retour d’échantillons martiens sera effectivement possible, on ne sait pas si la station sera encore en service (en effet l'ISS doit être démantelée théoriquement en 2024, ndlr) ».
Noyade en impesanteur
Plus tard dans le film, la commandante de la mission Katerina Golovkina, tente de se débarrasser pour la énième fois de Calvin, le passager encombrant qui ressemble maintenant à un gigantesque poulpe volant. Elle essaye de le maintenir à l’extérieur de l’ISS pour en venir à bout pensant probablement que l’absence d’oxygène et les rayons cosmiques du vide spatial auront raison de lui. Malheureusement, Calvin, doté d’une intelligence surprenante, endommage le système de régulation thermique du scaphandre de Katerina et provoque une fuite d’eau qui se répand rapidement à l’intérieur de l’équipement. La commandante se noie dans son casque.
Une telle mésaventure (outre la présence de Calvin bien-entendu) pourrait-elle se produire dans la réalité ? Dans une précédente chronique, François Spiero, responsable des vols habités au CNES nous rappelait ce qu’a vécu en 2013 l’astronaute italien de l’ESA, Luca Parmitano :
François Spiero, responsable des vols habités, cnes
« Luca s’est retrouvé rapidement avec 1,5 L d’eau dans son casque alors qu’il était en pleine sortie extravéhiculaire (intervention à l’extérieur de la station, ndlr). L’eau s’est répandue dans le scaphandre à cause d’une fuite de son système de refroidissement. »
...Il a finalement réussi à rejoindre le sas de décompression, in-extremis, au bord de l’évanouissement. Son sang-froid l’a sauvé.
« Sous l’effet de l’impesanteur, des gouttelettes ont commencé à s’introduire dans ses oreilles et ses narines par capillarité. Il a dû rentrer dans la station en urgence avec une visière quasiment recouverte d’eau à l’intérieur et dans l’obscurité (en effet, l’ISS se retrouve dans l’ombre de la Terre toutes les 45 min, ndlr). Il a finalement réussi à rejoindre le sas de décompression, in-extremis, au bord de l’évanouissement. Son sang-froid l’a sauvé. »
La commandante du film Life : Origine inconnue aura eu moins de chance. A la fin du scénario l'équipage fini enfin par expédier Calvin loin de la Terre, enfin presque... Rendez-vous pour une prochaine chronique !