5 Novembre 2019

[Cinéma] « Ad Astra » : 3 scènes vraisemblables (ou pas)

Le long métrage de James Gray, en salle depuis le 18/09/2019, nous emmène aux confins du Système solaire, jusqu’à Neptune. Une odyssée de l’espace dans un futur proche où la question du sens de la vie n’est jamais loin... 3 scènes ont attiré notre attention.

L’antenne Terre-espace

Au tout début du film, l’astronaute Roy McBride, interprété par Brad Pitt, est affairé à réparer une gigantesque structure dont on apprend finalement qu’il s’agit d’une antenne « Terre-espace ». Un édifice de plus de 100 km de haut (à la limite entre l’atmosphère et l’espace) destiné à découvrir d’éventuelles sources de vie intelligente dans l’Univers. Un thème maintes fois abordé en science-fiction mais qui continue de fasciner les hommes : sommes-nous seuls dans l’Univers ?

Au début du film, Roy McBride, interprété par Brad Pitt, est affairé à réparer une gigantesque structure dont on apprend finalement qu’il s’agit d’une antenne « Terre-espace ». Crédits : 20th Century Fox.

Les futures missions spatiales comme ExoMars ou Mars2020 sont aujourd’hui spécialement dédiées à la recherche de traces de vie, en l’occurrence sur la planète Mars. D’autres, plus anciennes et plus lointaines, ont emporté avec elles des témoignages de l’humanité au cas où une rencontre aurait lieu… On se souvient des plaques gravées en aluminium et en or des sondes américaines Pioneer 10 et 11 représentant notamment un homme et une femme. Il y a aussi ces disques de cuivre des sondes Voyager 1 et 2, lancées en 1977, sur lesquels on trouve 116 photos de lieux différents sur Terre soigneusement sélectionnés par un comité, lui-même présidé par l’astrophysicien Carl Sagan, également auteur de science-fiction...

Représentation des plaques gravées emportées par les sondes Pioneer 10 et 11 en 1972 et 1973. Crédits : NASA.

Aujourd’hui les sondes Voyager sont les objets les plus lointains jamais lancés par l’homme. Elles continuent d’émettre à plus de 20 milliards de km de la Terre. Mais toujours rien… Aucune trace de vie n’a pour l’instant été détectée, ni même à l’état de bactérie. Il y a donc fort à parier que cette quête mobilise les hommes pendant encore des siècles.

L’assistance gravitationnelle

L'astronaute Roy McBride à la dérive dans les anneaux de Neptune (film Ad Astra, septembre 2019). Crédits : 20th Century Fox.

Vers la fin du film, le super-astronaute Roy McBride, après avoir laissé partir son père se résout à rejoindre son propre vaisseau pour rentrer en lieu sûr : Mars, la Lune, puis la Terre. Il va utiliser une technique empruntée par les sondes spatiales pour parcourir le Système solaire : l’assistance gravitationnelle. L’idée ici étant d’utiliser la force de gravité de la planète Neptune pour accélérer sa propre vitesse de déplacement dans l’espace. L’astronaute se retrouve alors catapulté avec un simple bouclier de fortune en guise de protection. C’est ce qu’on appelle « l’effet de fronde ».

[...] Cela semble être possible uniquement pour un super-héros tel que Brad Pitt !

Ad Astra, sorti le 18/09/2019. Crédits : 20th Century Fox.

Laurence Lorda, responsable mécanique spatiale, CNES

« Utiliser l’effet d’assistance gravitationnelle ne s’improvise pas ! Cela nécessite des calculs de haute précision afin d’acquérir la bonne vitesse, pas seulement en amplitude mais surtout en direction ! Une erreur minime et on se retrouve propulsé sur une trajectoire qui n’a aucune chance de croiser la Terre, ou pire, qui nous fait entrer en collision avec la planète, ou, dans le cas d’une géante gazeuse comme Neptune, qui engloutit à tout jamais l’astronaute dans les couches gazeuses. Il faudrait donc une chance extraordinaire pour se retrouver sur une trajectoire qui nous permette de viser un point précis de l’espace. Quant à utiliser un bouclier de fortune pour se protéger des anneaux de Neptune, là encore, cela semble être possible uniquement pour un super-héros tel que Brad Pitt ! Les vitesses relatives entre les rochers et l’astronaute à la dérive sont telles, que ces derniers n’auraient aucun mal à percer le bouclier, la combinaison et même le corps de notre héros, à moins que ce bouclier de fortune ne soit constitué d’un matériau ultrarésistant dont nous n’avons pas encore connaissance. Mais, même dans ce cas, la force nécessaire pour résister aux impacts semble surhumaine, même pour un Brad Pitt. On peut d’ailleurs en profiter pour rétablir une vérité avec laquelle le film a pris quelque liberté : les anneaux de Neptune sont en réalité constitués principalement de particules de poussière très fine… »

Le suivi psychologique des astronautes

Pendant toute la durée du long-métrage de James Gray, les hommes discutent avec des machines. Chaque astronaute semble avoir un assistant psychologique personnel à qui il révèle régulièrement son état d’humeur. Pour Roy McBride, cela semble indispensable. Alors même qu’il se prépare à revenir sur Terre depuis Mars et très perturbé par un choc psychique récent, l’ordinateur lui ordonne de patienter quelques jours, le temps de retrouver un équilibre mental suffisant. Pour cela rien de plus simple : une salle spécialement aménagée diffuse en continu des images de paysages terrestres. L’immersion est totale dans ces souvenirs familiers pour un apaisement rapide.

Rémi Canton, responsable cadmos, CNES

« Le stress est un sujet un peu tabou chez les astronautes, confie Rémi Canton, responsable du Cadmos (Centre d’Aide au Développement des Activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales) au CNES. Il y a peu d'études menées sur le sujet, même si le suivi psychologique a toujours eu une place importante. Globalement, chaque astronaute, lorsqu’il part pour une mission de 6 mois à bord de l’ISS, vit l’euphorie du départ, une baisse de régime au milieu de son vol puis un regain de tonus jusqu’à la fin. Environ 1/3 des tests qui sont effectués pendant les sélections concernent la psychologie, se souvient Rémi Canton qui a fait partie des 45 derniers candidats retenus par l’ESA, en 2008, avec Thomas Pesquet. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la forme physique est bien moins scrutée par les examinateurs que les prédispositions psychologiques. Malgré cela, les astronautes sélectionnés ne sont pas infaillibles. On se souvient de l’affaire Lisa Nowak, une astronaute américaine qui avait agressé par jalousie une femme à l’aéroport d’Orlando en 2007. Elle a été immédiatement renvoyée de la NASA. Pour le futur et notamment Mars, de nombreuses missions qu’on appelle « analogues » étudient les effets de l’isolement de longue durée sur la psychologie. Il y a notamment le projet international Sirius avec la Russie et les Etats-Unis qui se poursuit avec une expérience de confinement de 4 mois prévue en 2020, 8 mois en 2021, puis une année entière probablement plus tard avec un équipage de 6 personnes enfermé à Moscou. »

L'astronaute Roy McBride interpété par Brad Pitt dans Ad Astra, sorti le 18/09/2019. Crédits : 20th Century Fox.

Nous menons régulièrement des expériences en liaison directe avec les astronautes de l'ISS depuis le Cadmos (Centre d’Aide au Développement des Activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales) au CNES de Toulouse. Crédits : CNES.

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