Crédits : SYGMA/NOGUES Alain, 1979.
Initialement, ce lancement inaugural était prévu le 15/12/1979. Mais, après un compte à rebours parfait et l’allumage des moteurs, l’ordinateur au sol refuse d'ouvrir les crochets retenant la fusée. Une anomalie de poussée a été détectée sur l'un des 4 moteurs du 1er étage. En fait, ce sont 2 détecteurs de pression endommagés par une micro-explosion qui ont transmis une information erronée. 8 jours sont nécessaires pour remettre la fusée en état.
Le 23/12/1979, 2e tentative, nouvelle déception. Le compte à rebours est retardé par des paramètres hors de leurs « fourchettes », des clapets bloqués par de la glace, une fuite dans la sphère hélium du 3e étage… De mauvaises conditions météo achèvent toute espérance d’un lancement.
Une revanche sur le mauvais sort
Le 24/12/1979, 3e et dernière tentative — au-delà, les parois internes des réservoirs sont trop corrodés pour envisager un tir. Le compte-à-rebours débute, mais à 2 min du lancement, un rouge lanceur apparaît. On répare l’anomalie : un clapet à hydrogène trop lent à se refermer... On s'apprête à repartir mais l’ordinateur refuse de lancer la séquence automatique de lancement. Le réveillon 1979 se fera-t-il sans Ariane ? Un instant, les équipes doutent... Les ingénieurs de la salle de contrôle (visibles sur la photo ci-dessus) réussissent à leurrer l’ordinateur. La mise à feu a lieu. A 14h14 (heure locale), Ariane s’élance dans le ciel guyanais et réalise un vol parfait à la surprise de la presse incrédule qui misait sur un échec.
Une revanche envoyée aux « CassandreS »
« Nous étions comme des sportifs qui viennent de remporter un match contre les prévisions des pronostiqueurs » se souvient Jean-Pierre Morin, ingénieur du CNES dans un livre historique en ligne. Pour tous les acteurs, c'est « une revanche sur le mauvais sort et surtout sur les nombreux Cassandre qui ont prétendu qu'ils n'y arriveraient pas. » Il faut dire que l’échec d’Europa, le lanceur européen précédent, était dans toutes mémoires.
Une partie de la presse juge de plus Ariane 1 obsolète face à la navette américaine qui ambitionnait d’envoyer à la fois des astronautes et des satellites de télécommunications dans l'espace. « Ariane avait un côté rétrograde. Beaucoup de personnes se moquait de l’initiative européenne et rappelait l’échec d’Europa initié dans les années 60 » explique Jacques Arnould, historien des sciences en charge des questions éthiques au CNES. La suite leur donna tort. Dès 1985, Ariane capte la moitié du marché mondial des lancements commerciaux de satellites !
Pourquoi « Ariane » ?
C'est Jean Charbonnel, le ministre du développement industriel et scientifique français, qui décida en 1973 de baptiser le programme « Ariane », du nom de la princesse de la mythologie grecque – hors propositions soumises par le CNES.
L'instant dramatique du 15/12/1979. Ariane aurait dû décoller depuis 3 s. Crédits : CNES/ESA/Arianespace/CSG Service Optique, 1979.
Décollage d’Ariane le 24/12/1979. Crédits : CNES/ESA/Arianespace/CSG Service Optique, 1979.
Une consécration pour le CNES
Si aujourd'hui le bilan d'Ariane est impressionnant et source de fierté, c’est grâce à la perspicacité des dirigeants et ingénieurs du CNES à qui l'Agence spatiale européenne avait confié l'entière responsabilité du développement. Sans eux, Ariane 6 ne serait pas là, bientôt prête à reprendre le flambeau.
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