Image de l'astéroïde Ultima Thulé réalisée par la sonde New Horizons à 6,4 milliards de km de la Terre le 01/01/19 à 5h01 UTC. Crédits : NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute.
Une machine à remonter le temps
C’est un nouveau record ! La sonde américaine New Horizons qui s’éloigne du Système solaire depuis 2006 vient de survoler un objet céleste à quelque 6,4 milliards de km de la Terre, une distance inimaginable… C’est l’astéroïde Ultima Thulé, découvert en 2014 par le télescope spatial Hubble.
... l’époque où les planètes n’étaient pas encore formées.
« On a affaire à l’objet le plus lointain jamais survolé par une sonde spatiale. L’astéroïde Ultima Thulé est situé dans la ceinture de Kuiper, au-delà de Neptune, la planète la plus éloignée du Soleil dans le Système solaire. On veut savoir comment cette ceinture s’est formée, à partir de quel matériau, explique Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au CNES. Tout cela est ensuite resté très "froid" ce qui veut dire que ça n’a quasiment pas évolué pendant 4,5 milliards d’années contrairement aux planètes du Système solaire. En étudiant Ultima Thulé on remonte donc à l’époque où les planètes n’étaient pas encore formées. C’est ce qui fait l’intérêt de ce type d’objet, véritable relique des temps passés ».
Ultima Thulé est « rouge »
Le 30 décembre, les scientifiques n’avaient qu’une image prise à 1,9 millions de km où l’astéroïde était résolu sur 3 pixels seulement. Ultima Thulé apparaissait allongé et dissymétrique. Le 2 janvier, les choses se précisent avec un nouveau cliché dévoilé par Alan Stern, le chef de projet triomphant de la NASA. « Sur l’image du 2 janvier réalisée cette fois-ci à seulement 27 000 km de distance, l’astéroïde Ultima Thule apparait bilobé un peu comme la comète Tchouri » constate Francis Rocard. Et pour cause : il y a 4,5 milliards d’années, la région était occupée par un nuage d’objets glacés en bien plus grand nombre qu’aujourd’hui qui ont commencé à s’agglomérer. 2 corps plus importants sont apparus grâce au phénomène d’accrétion (comme dans les grumeaux d’une pâte à crêpes, NDLR). « Ils se sont mis à tourner lentement … Probablement à une vitesse extrêmement réduite, quelques km/h tout au plus jusqu’à se toucher » raconte le géologue de la mission, Jeff Moore.
Image de l'astéroïde Ultima Thulé reçue par les scientifiques le 30/12/18 avec une résolution de 10 km/pixel. Crédits : NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute.
Ultima Thulé mesure 31 km de longueur et effectue un tour complet sur lui-même en à peu près 15 heures. « On sait que l’objet est riche en glace, rappelle Francis Rocard. Mais il est aussi "rouge", cela veut dire qu’il est probablement riche en matériau carboné plus sombre et ça, c’est extrêmement important car ça nous informe sur la composition de la matière qui était présent dans la nébuleuse primitive et qui s’est effondrée pour donner naissance à ce type d’objets. On pense que l’accrétion de ces astéroïdes entre eux ont formé plus tard les planètes. Notre Terre s’est donc formée à partir d’objets peut-être un peu plus chauds mais similaires à Ultima Thulé. Ils contiennent aussi probablement la matière organique à l’origine de la vie. » Ultima Thulé n’a pas fini de livrer ses secrets mais il faudra être patient car la sonde mettra près de 20 mois à nous transférer les 900 images collectées lors du survol.