24 Novembre 2017

[Actu] La station chinoise pourrait retomber sur Terre en mars

Lancée en 2011, la station spatiale chinoise Tiangong-1 est hors de contrôle à 300 km d'altitude. Freinée par l'atmosphère résiduelle, elle se rapproche, jour après jour, du plancher des vaches. 5 questions à Stéphane Christy, expert au centre d’orbitographie opérationnelle du CNES de Toulouse.

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Illustration d'artiste de Tiangong-1. Crédits : CMSA.

Quand est prévue la rentrée atmosphérique de Tiangong-1 ? 

Stéphane Christy : Nos simulations tablent actuellement sur une rentrée le 11 mars 2018 avec une incertitude de plus ou moins 18 jours. Cette date est calculée de manière hebdomadaire grâce au programme OPERA du CNES. A partir des dernières positions de la station et des prédictions d'activité solaire, OPERA estime un frottement moyen sur l’objet et calcule les orbites à venir. Ces sorties sont très dépendantes de l’intensité du flux solaire. Plus l'activité solaire est intense, plus le frottement est fort et plus l’objet descend rapidement. Or le modèle de l'activité solaire de la NOAA — un des seuls qui existe actuellement — est moyennement précis à long terme et cela affecte les prévisions de manière importante. La façon dont l’objet tourne sur lui-même modifie aussi la surface de frottement. Tout cela explique l'évolution et l'incertitude de la date de rentrée atmosphérique de Tiangong-1. Jusqu’à maintenant, on observe d'ailleurs que la date de rentrée a tendance à reculer.

Stéphane Christy. Crédits : CNES.

Evolution de l'altitude du périgée de Tiangong-1 (point de son orbite le plus proche de la Terre) simulée par le modèle OPERA du CNES. Crédits : CNES, 2017.

Comment connaissez-vous la trajectoire actuelle
de la station spatiale chinoise ?

S. C. : Nous la suivons grâce au radar français GRAVES (pour « Grand Réseau Adaptée à la Veille Spatiale »). Le site d’émission de GRAVES se trouve vers Dijon et le site de réception sur le plateau d'Albion vers Carpentras. C’est un radar de veille qui suit les objets de taille supérieure à quelques dizaines de cm dans un rayon de 1 000 km autour de lui. Actuellement, nous voyons 2 à 3 fois par jour la station spatiale chinoise survoler l'extrême sud de la France. Quand la date de rentrée atmosphérique se rapprochera (environ 10 jours avant), on passera sur une estimation plus fine avec un suivi radar actif avec les 2 radars SATAM (pour Système d’Acquisition et de Trajectographie des Avions et des Munitions) de l’armée de l’Air situés vers Bordeaux et en Corse. Nous serons alors en contact avec les autres agences spatiales internationales pour faire des comparaisons et mises à jour régulières de nos prévisions.

Tiangong-1 peut-elle tomber en France ?

S. C. :  Tiangong-1 ne survole que les latitudes comprises entre 42,8° Nord et 42,8° Sud. En France, cela concerne Perpignan, la Corse et une grande majorité des territoires d'outre-mer : la Martinique, la Réunion...

Si on ramène la superficie de ces îles à celle de la zone survolée par la station, cela nous donne, grosso modo, 1 chance sur 40 000 de tomber en Corse, 1 chance sur 308 000 de tomber en Martinique, 1 chance sur 138 000 de tomber sur la Réunion. 

Trace au sol de Tiangong-1 sur une période de 1 jour. Sur une période plus longue, toute la zone située entre les latitudes 42,8° Nord et 42,8° Sud serait rayée de jaune. Crédits : CNES, 2017.

Dans tous les cas, la station ne va-t-elle pas entièrement se disloquer et se désintégrer avant de toucher terre ? 

S. C. : D'après les sources publiques, Tiangong-1 est un gros cylindre de 10 m de long pour un poids de 8,5 tonnes, une sorte de gros bus avec des panneaux solaires sur les côtés. Lorsque l’objet se rapprochera des 80 km d’altitude, il va commencer à se fragmenter en plusieurs morceaux. La plupart des morceaux vont être détruits par la chaleur, mais certains (les réservoirs par exemple) peuvent arriver plus ou moins entiers au sol.

Le Jules Verne en 2008

Dans un superbe feu d'artifice, le cargo européen Jules Vernes (ATV-1) est rentré le 29 septembre 2008 dans l'atmosphère après avoir approvisionné la Station spatiale internationale. Cette image est tirée d'une vidéo prise depuis un avion spécialement affrété pour couvrir cette phase de rentrée atmosphérique contrôlée. Crédits : ESA/NASA.

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Rentrée atmosphérique du cargo européen Georges Lemaître (ATV-5) le 15 février 2015. Crédits : CNES/Ill. D. Ducros, 2014.

Suivez-vous aussi la rentrée atmosphérique des astéroïdes ?

S. C. : Non, nous ne suivons la rentrée atmosphérique que des objets artificiels, par exemple celles des gros étages des lanceurs. Cette thématique n'est d'ailleurs qu'une petite activité du centre d'orbitographie opérationnelle. Notre activité historique, et principale, reste la prévision des passages au-dessus des antennes sols du CNES pour les satellites opérés au CNES. Nous participons également à des opérations de mises à poste de satellites afin de fournir les 1eres estimations de l’orbite des satellites après leur lancement. Ce sera notamment le cas, le 12 décembre prochain, pour le lancement des 4 nouveaux satellites Galileo. Nous sommes aussi en charge d’une thématique qui prend de plus en plus d'ampleur : la gestion des risques de collisions de satellites en opération avec des débris spatiaux ou d'autres satellites. Nous surveillons actuellement 27 satellites : des satellites immatriculés par la France et des satellites de nations ayant passé un contrat avec le CNES. Autant vous dire que notre équipe composée d'une quinzaine de personnes ne s'ennuie pas !